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Aventures, Vol.1

Aventures, Vol.1

Aventures, Vol.1, par Pitoch, le 27 janvier 2005.

Appuyé sur sa canne, l'homme s'approcha de la tente dressée non loin du feu mourant. ZIIIPPPPP ! D'un mouvement ample, il ouvrit et passa le buste à l'intérieur. Une forme recroquevillée, emmitouflée dans un sac de couchage, était étendue dans un coin de la tente. L'homme donna un petit coup de canne au niveau des jambes. Pas de réponse. Il insista, donnant des coups de plus en plus appuyés. Il entendit un gémissement étouffé.
- Debout, Lara ! s'écria-t-il. Nous devons lever le camp !
Pour terminer, il « remonta » et donna un coup sur les fesses. La jeune fille d'à peine quinze ans bondit de son duvet.
- Eh !!!!!! s'offusqua-t-elle.
- Vous vous levez, Lara ?
- Quelle heure il est ?
- 4h30.
- Du matin ?????
- Evidemment, du matin...
L'adolescente retomba sur son oreiller en gémissant.
- Eh oui, jeune fille, vous n'êtes plus dans la douce torpeur de votre manoir anglais !
- Werner, vous êtes fou...
L'homme leva la canne et en asséna un violent coup sur les cuisses de l'adolescente, bien en plat. Elle cria de douleur.
- Vous vous oubliez, jeune fille... réprimanda Von Croy.
Lara le foudroya du regard, les joues rougies par la douleur et la colère.
- Vous ne m'impressionnez pas, petite, continua-t-il en soutenant son regard. Je ne suis pas votre valet, mais votre professeur. Votre sang noble ne m'impressionnera que lorsqu'il jaillira à gros bouillons de votre coeur.
L'adolescente ne répondit pas et massa ses cuisses endolories.
- Allez vous débarbouiller à la rivière et venez prendre votre petit déjeuner. Vous aurez besoin de force !
Et il s'éloigna de la tente. Lara sortit de son duvet en frissonnant. Il faisait froid, il faisait nuit et il faisait humide. Elle n'avait pas beaucoup dormi, principalement à cause des bruits de la jungle : les oiseaux nocturnes, les singes hurleurs, etc. Elle enfila son pantalon. Encore une énième provocation de sa part : Werner lui avait fortement conseillé de dormir en pantalon. Elle avait donc dormi en culotte. Sauf que, en l'occurrence, elle le regretta en voyant la belle trace rouge qui barrait ses cuisses. Elle s'habilla chaudement, prit un bout de savon et une serviette et sortit de la tente. Elle progressa lentement jusqu'à la rivière. Bon dieu ce qu'elle détestait l'Inde !
- Ne blasphémez pas en plus, jeune fille ! cria Werner d'un coin du campement.
Avait-elle parlé à haute voix ? Ou Von Croy lisait-il dans les pensées ? Elle opta en souriant pour la seconde solution. Après tout, ce foutu hollandais n'était clairement pas humain !

Werner Von Croy avait opté pour une grosse séance d'échauffement. Ensuite, si la jeune fille était encore en état, et il savait qu'elle le serait, ils iraient ensemble visiter le temple hindou enfoui non loin de là. Il la rejoignit alors qu'elle faisait consciencieusement des assouplissements.
- Regardez cette piste, Lara, dit-il en désignant un semblant de chemin du bout de sa canne. Elle mène jusqu'au temple. Il faut marcher pendant une bonne heure sans perdre la piste pour arriver jusqu'à l'édifice.
- Facile ! répondit l'adolescente.
- Très facile, mais je mettrais un peu plus d'une heure à cause de ma mauvaise jambe...
- J'imagine. Je vous attendrais au temple sans rien toucher, je vous promets !
- Je n'en doute pas une seconde, ironisa Werner. Mais j'arriverais avant vous.
Lara le regarda en levant un sourcil interrogateur.
- Qu'est-ce qui vous fait croire que vous allez aussi emprunter cette piste ?
Il désigna les arbres hauts et touffus avec sa canne.
- Interdiction de mettre les pieds par terre ? ironisa-t-elle.
- Précisément. Nous nous retrouvons là-bas. Attention aux singes et aux chauve-souris !
Et il s'éloigna en claudiquant. Lara le regarda s'engager sur la piste et disparaître dans l'épaisse végétation. Elle était maintenant toute seule dans la jungle. Ignorant l'environnement et donc le stress, elle ajusta son sac à dos, ses rangers et ses gants, et commença à escalader un arbre particulièrement impressionnant. Les morceaux d'écorce, les champignons géants, les circonvolutions bizarres du tronc, tout cela offrait des prises parfaites, et elle monta dans les branchages grâce à cette échelle naturelle. Elle s'arrêta à une bonne dizaine de mètres du sol, sur une branche tellement épaisse qu'elle aurait pu passer pour un arbre entier, en Europe.
- Moi Jane ! s'écria-t-elle, provoquant l'envol d'une nuée d'oiseaux multicolores. Moi rejoindre Tarzan !
Elle s'élança sur la branche et sauta sur une autre, appartenant à l'arbre suivant. Elle progressa un bon moment ainsi, sautant d'arbre en arbre. Elle se laissa griser par la vitesse et par ses acrobaties athlétiques : tentant des sauts de plus en plus difficiles, elle finit par tenter celui de trop. Prenant de l'élan, elle sauta en direction de l'arbre suivant et se rattrapa de justesse à une branche assez fine. Trop fine, hélas : elle cassa dans un bruit sec. Lara chuta, tentant de se raccrocher dans la panique. Elle atterrit sur le sol, dix mètres plus bas, mais heureusement sur un tas d'humus, de feuilles mortes et de mousse. Elle resta un moment immobile, en gémissant. Elle avait mal de partout, mais n'avait rien de cassé. Elle se redressa en grimaçant, et se retrouva face à trois hommes patibulaires et armés, le canon de leurs fusils pointés sur elle. Machinalement, elle leva les mains au ciel.
- Regardez quel genre de ouistiti nous tombe dans les bras, les gars ! ricana un des hommes.
Encouragé par les rires de ses camarades, il attrapa Lara par le col et la souleva comme il l'aurait fait d'un sac de plumes. Il l'approcha de son visage pour la regarder de très près. L'adolescente grimaça : son haleine était un odieux mélange de tabac froid, d'alcool et d'égouts.
- Alors, ma petite, tu viens faire quoi dans ce trou ? demanda-t-il avec forces postillons.
- J'ai perdu mon chaton, m'sieur, répondit-elle.
L'homme n'apprécia que très moyennement. D'un mouvement de bras, il jeta la jeune fille sur son épaule, en travers. Elle se retrouvait maintenant la tête en bas, face au large dos de son porteur. Celui-ci la tenait fermement par les jambes et de sa main libre, donna une violente claque sur ses fesses.
- On retourne au camp, les gars ! On la ramène au patron !
Ils se mirent en route, en suivant la piste. L'homme qui portait Lara ne prenant aucune précaution particulière, elle se cogna plusieurs fois la tête à des arbres ou arbustes qui traînaient le long du chemin.
- Je peux descendre ? demanda-t-elle. Je peux marcher, vous savez !
- Tais-toi, musaraigne ! dit l'un des hommes.
- Je ne suis pas un sac à patates !
Elle reçut une nouvelle claque sur les fesses. Vexée, elle se tut.
Ils arrivèrent enfin dans un camp. L'homme jeta Lara sans ménagement par terre. Les quatre fers en l'air, elle se remit en position assise et regarda autour d'elle. Le sang revenant dans sa tête tapait de façon sourde. Elle grimaça. Le camp où elle se trouvait était d'une autre nature que celui de Werner : plus grand, mieux élaboré, il disposait clairement de moyens largement supérieurs à ceux de l'archéologue hollandais. De plus, le camp était carrément monté devant le temple hindou en ruine. Lara le regardait pour la première fois, émerveillée. Il dégageait une telle impression de mystère et de danger. Continuant à faire le tour du camp avec les yeux, son regard finit par croiser celui de son mentor.
- Werner ! s'écria l'adolescente.
Il lui répondit par un petit signe négatif de la tête. Lara acquiesca en silence : la situation était donc plutôt tendue. Ses trois ravisseurs revenaient déjà vers elle avec leur « patron ». C'était un homme assez jeune, plutôt mignon, blond avec des yeux bleus. Lara se composa un petit sourire innocent, qu'elle perdit rapidement : de près, il avait perdu toute beauté. Ce n'était pas quelque chose de physique que Lara aurait pu rater de loin. Non, ça venait de ses yeux. D'ordinaire, les yeux bleus éclairaient un visage, le rendaient plus doux. Ils avaient une couleur profonde, intense, qui intriguait autant qu'elle subjuguait. Pas chez lui. Ses yeux étaient froids. Un bleu glacial, dérangeant. Qui rendait son visage dur. Un bleu qui exprimait la perversité, la folie, l'absence de moralité. Lara se sentit instinctivement en danger. Toujours assise par terre, elle recula, s'aidant des pieds et des mains.
- Suis-moi dans ma tente ! ordonna le blond.
Il fit demi-tour. Lara se leva et le suivit, les jambes flageolantes. Elle jeta un dernier coup d'oil à Werner avant d'entrer dans la grande tente : il appréhendait.
- Assieds-toi !
L'adolescente obéit et s'assit sagement sur une chaise pliante, devant la table qui servait de bureau.
- Comment t'appelles-tu ?
Il parlait parfaitement anglais, mais la jeune fille reconnut une pointe d'accent français.
- Lara Croft, répondit-elle, sans que le réflexe de mentir ne lui soit passé par la tête.
- Tu as quel âge ?
- 18 ans.
- Tu aurais dû dire 15, j'aurais pu te croire...
Lara haussa les épaules. Soudain, le blond la gifla à toute volée. Comme ça, sans effort, ni émotion apparente. De façon indifférente. Presque blasée. Lara avait la joue en feu, et des larmes mouillèrent ses yeux.
- Alors ? demanda le blond
- J'ai 15 ans.
- Tu es américaine ?
- Anglaise.
- Tu as un rapport avec Richard Croft ?
- C'était mon père.
- « Etait » ?
- Il est mort.
- Sincères condoléances.
« Sincères, tu parles ! ». Lara serra les dents. Sa joue endolorie la gênait.
- Qui est Werner Von Croy, pour toi, petite ? continua le blond.
- Un professeur et un ami.
Le blond la gifla de nouveau, encore plus violemment. Cette fois, Lara tomba par terre, renversant sa chaise.
- Mais c'est vrai ! s'écria-t-elle, des sanglots dans la voix.
- Je sais. Je voulais juste te rappeler la situation, avant d'attaquer les questions sérieuses.
Lara n'en revenait pas. Elle toucha sa joue de la main : elle commençait déjà à enfler.
- Redresse ta chaise et assieds-toi, fit le blond.
Soumise et terrifiée, l'adolescente s'exécuta. Elle s'assit et resta parfaitement immobile.
- Von Croy est quel genre de professeur ?
- Attentif. Sévère mais juste.
- Je veux dire : quelle matière ?
- Un peu tout : la vie, la survie, l'histoire, etc...
Le blond bougea, à la limite du champ de vision de Lara. Elle se crispa aussitôt mais rien ne vint. Il se contenta de changer de place.
- Pourquoi l'Inde ? demanda-t-il.
- Je ne sais pas.
Même si la réponse était sincère, Lara comprit aussitôt qu'elle n'en était pas moins mauvaise pour le sadique. Elle serra les dents et reçut la troisième gifle, « heureusement » sur l'autre joue.
- L'Inde devait réunir pas mal de conditions intéressantes : la jungle, les dangers maîtrisés, l'histoire du pays et de la région...
Elle parlait vite, la voix oppressée.
- Et puis, peut-être que Von Croy s'est servi de moi comme prétexte pour réellement fouiller le temple et y trouver quelque chose !
Elle venait de dire cette dernière phrase sans réfléchir, presque seulement pour elle-même. Et maintenant, elle était étonnée de l'implication. Sous couvert d'un cours de survie dans la jungle, Werner voulait en fait fouiller un temple ! Elle releva la tête et regarda son interlocuteur, qui s'était rassis dans sa chaise, les pieds posés sur la table. Il n'avait pas l'air étonné. Il prit une cigarette et l'alluma. Il fit ensuite glisser le paquet sur la table, vers Lara. Elle tendit la main : elle tremblait. Elle se força au calme, d'autant qu'elle sentit le regard glacial du blond sur elle, épiant ses moindres réactions. Elle prit le paquet, en sortit une cigarette et la porta à ses lèvres. Le sadique se leva, Lara se crispa. Il s'approcha, son briquet à la main, et alluma sa cigarette. L'adolescente tira quelques bouffées et toussa légèrement.
- Tu vois, petite, je t'aime bien, reprit le blond. J'ai déjà violenté des gamines dans ton genre, et toutes se sont roulées par terre en pleurant à la première gifle, me racontant leur vie dans les moindres détails depuis leur naissance.
Il fuma. Lara l'imita, tentant d'avoir l'air cool et tranquille.
- Tu n'es pas du genre pimbêche. Du genre fille de bonne famille perdue en milieu hostile. Tu es dans ton élément, ça se sent. Tu feras une grande carrière si tu poursuis dans cette voie.
- Vous n'allez pas me tuer ? osa-t-elle demander.
Le blond eut un rire aussi glacial que son regard.
- En fait, je n'en sais encore rien ! Là, tout de suite, j'aurais tendance à te répondre « non »... Mais ça va aussi dépendre de toi.
- Vous comptez vous servir de moi ?
- Oui.
- Et que dois-je faire en échange de ma vie ?
- Nous ne voulons pas dynamiter le temple. Et pourtant, nous sommes bloqués par un éboulement. Personne dans mon équipe n'est assez petit pour passer dans le faible intervalle laissé par les pierres.
- Et je suis assez petite ?
- Je l'espère. Dans l'intérêt de tout le monde.
- Vous allez laisser Werner vivant ?
Sans prévenir, il la gifla de nouveau si violemment qu'elle retomba par terre. A quatre pattes par terre, elle toussa et cracha un petit caillot de sang. Il marcha tranquillement vers la cigarette qu'elle avait laissé tomber et l'écrasa au sol.
- Tu t'avances un peu, petite, dit-il simplement. Tu sembles oublier ta situation...
- Non, je n'oublie pas... répondit-elle d'une petite voix. Excusez-moi.
- C'est mieux. Lève-toi, je vais te montrer l'éboulement.

Lara se sentait presque rassurée à l'extérieur de la tente. Sans hésiter, le blond traversa la clairière en direction du temple. L'adolescente le suivit sans s'arrêter, malgré son irrépressible envie de foncer vers Werner, qu'elle voyait du coin de l'oil. « Blondin » - surnom pratique, surtout qu'elle avait vu Le Bon, la Brute et le Truand avant de partir pour l'Inde. Winston aimait beaucoup ce film - entra dans le temple, suivi de près par Lara. Il lui tendit une lampe torche, qu'elle alluma. Une nuée de chauve-souris s'enfuit, dérangées par les faisceaux. L'adolescente fit une grimace de dégoût.
- Par ici ! fit Blondin.
Ils s'enfoncèrent lentement dans un couloir partiellement détruit. A la lueur de sa torche, Lara voyait danser des ombres inquiétantes, ou éclairait sporadiquement des têtes sculptées grimaçantes. A plusieurs reprises, le chef de l'expédition se baissa pour passer sous telle ou telle voûte abaissée. Enfin, ils arrivèrent face à l'éboulement en question. Lara repéra aussitôt le petit espace entre les pierres.
- Alors ? demanda Blondin.
- Je sais pas, ça a l'air juste... répondit-elle.
Le blond l'attrapa soudain par la queue de cheval et lui tira violemment la tête en arrière.
- Eh ben tu essayes ! lui souffla-t-il à l'oreille.
Il la relâcha en la poussant vers l'éboulement. Lara se mit à 4 pattes par terre, puis à plat ventre, et commença à ramper dans l'étroit passage. Elle s'éloignait de l'homme qui la terrifiait, c'était déjà ça. En même temps, paradoxalement, elle avait tellement peur qu'elle n'avait plus peur. Comme si elle était passée de l'autre côté de la terreur, qu'elle n'avait plus rien à perdre et qu'elle pouvait tenter quelque chose... Mais quoi ?
Le boyau continuait encore et toujours. Elle tenta de ne penser aux tonnes de rocher qu'elle avait sur la tête, et arrêta également de compter le nombre d'égratignures qu'elle se faisait aux coudes et aux genoux... Le passage s'élargit soudain : elle était passée de l'autre côté. Lentement, elle se releva. Pas de choc sur la tête : le plafond était assez haut. Elle passa alors lentement le faisceau de sa torche dans cette nouvelle pièce. Car il s'agissait bien d'une salle. L'éboulement n'était pas survenu dans le couloir, mais au bout de celui-ci, juste devant la pièce principale du temple.
- Tu as trouvé la salle ?
La voix lui parvenait étouffée, lointaine.
- Oui ! cria-t-elle
- Tu vois l'autel ?
- Oui !!
- Ramène ce qu'il y a dessus !
- Okay, j'y vais ! Aaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!!!!!!!
Elle poussa un cri terrible, qui se répercuta dans la salle. Elle laissa mourir son cri, lentement. Elle n'avait pas bougé : elle simulait, car elle venait de prendre sa décision.
- Gamine ? hurla le blond de l'autre côté de l'éboulement. Petite ?
Lara ne répondit pas. Se guidant de sa torche, elle s'approcha de l'autel.
- Petite ? continua le blond. Si tu fais semblant, ça va très mal se passer !
Elle arriva à hauteur de l'autel. Il était en pierre, finement sculpté.
- Si tu n'es pas réellement morte, je te jure que je m'en charge moi-même !
Sur l'autel se trouvait une petite idole. Une statuette visiblement en or, avec des pierres précieuses, représentant Kali. Elle la souleva. Le poids était assez faible, du moins largement à sa portée. Deux ou trois kilos, guère plus. Parfait. Et maintenant ?

Le blond ressortit du temple particulièrement furieux. Son regard bleu et glacial jetait des éclairs, et personne n'osa l'approcher. Il fonça directement vers Von Croy, assis sur un tronc d'arbre abattu, entouré par deux hommes armés chargés de le surveiller.
- Eh bien, Belloq ? demanda Werner. Y'a-t-il quelque chose qui t'a contrarié ?
Blondin le gifla à toute volée, du revers de la main. Werner toussa sous le choc, puis ramassa ses lunettes.
- Vieux fou ! grinça Belloq entre ses dents. Ta protégée essaye de me doubler !
- C'est fort possible ! Elle t'a fait le coup de la fausse chute mortelle ?
- Je ne me laisserais pas faire par une merdeuse de 15 ans !
- Et tu veux faire quoi ? Elle t'a eu, c'est tout. Elle a l'idole, et tu ne peux pas la rejoindre !
- Mais elle ne peut pas sortir non plus...
- Crois-tu ? Cette gamine est pleine de ressources !
- Pas au point de faire des trous dans un temple en pierre avec ses ongles !
Werner sourit en haussant les épaules.
- On verra bien, répondit-il, énigmatique.
- C'est tout vu ! Préparez le C4 ! hurla Belloq à ses hommes.
Plusieurs mercenaires s'activèrent aussitôt.
- Tu fais une grosse erreur, Belloq... Tu ne doseras jamais le C4 avec assez de précision pour faire sauter uniquement l'éboulement !
- Je prends le risque !
Le blond supervisa la préparation de l'explosion pendant une bonne heure. Ils mirent du mastic à l'intérieur de l'étroit passage de l'éboulement. Quand enfin tout fut prêt, Belloq ordonna que tout le monde recule. La télécommande à la main, il jeta un regard ironique et méchant à Von Croy, avant d'appuyer. L'explosion, bien qu'étouffée par le temple, fut énorme. Le sol trembla, et toute la jungle s'enfuit et se tut. Une épaisse fumée mêlée de poussière sortit par l'entrée du temple. Celui-ci tenait encore debout, c'était la première information à noter. Ils attendirent encore une dizaine de minutes. Lara n'était pas ressortie. Werner commençait à craindre le pire, et Belloq s'en rendit compte. Il prit le vieux hollandais par le bras et le força à se lever. Ensemble, ils suivirent plusieurs mercenaires à l'intérieur du temple. L'éboulement était toujours présent, mais un passage, étroit mais praticable, le traversait maintenant, moyennant quelques ajustements à faire. Belloq entra finalement, triomphant, dans la salle de l'autel : Lara avait disparu.

- Cherchez son cadavre ! hurla Blondin. S'il n'y en a pas, trouvez-la et faites-en un cadavre ! Et trouvez-moi l'idole !!!!!!
Lara l'entendait hurler de sa position. En souriant, elle embrassa une mèche de ses cheveux fins. C'était grâce à eux qu'elle avait pu sortir du temple. En effet, en refaisant sa queue de cheval, elle avait senti que ceux-ci volaient sous l'effet d'un courant d'air. Et qui dit « courant d'air » dans un lieu fermé dis « une autre issue » dans la salle. En cherchant, elle avait trouvé un minuscule passage en hauteur, derrière l'autel. A la force des bras, elle s'était hissée à l'intérieur et avait commencé à ramper, poussant la statuette devant elle, lorsque le temple trembla sous l'effet de l'explosion. Elle s'était protégée la tête et avait attendu la fin. Et maintenant, en atteignant l'air libre, elle avait entendu la colère de Blondin. Elle émergea au sommet du temple, à l'arrière. Elle s'extirpa des lianes qui recouvrait la structure, et s'en servit pour rejoindre le sol. Lentement, à pas de loups, elle revint vers la clairière, face au temple. Cachée derrière une souche, elle étudia la situation. Elle se força au calme, respirant calmement et par le nez, comme Von Croy lui avait appris. Justement, son mentor était non loin, tranquillement - du moins en apparence - assis sur un tronc couché. Il n'était pas particulièrement surveillé, ses « gardes » étant occupés à épier les faits et gestes de leur patron fou de rage. Blondin tournait et virait dans le camp, aboyant des ordres. Lara se savait pas vraiment quoi faire... Elle avait agi sur une impulsion, et se retrouvait maintenant bloquée, obligée de se cacher. Si Blondin récupérait l'idole, il la tuerait. Silencieusement, elle s'approcha de Werner, dans son dos. Elle se retrouva accroupie derrière son mentor.
- Il est en colère contre moi ? murmura-t-elle.
Von Croy ne sembla pas réagir. En tout cas, il ne fit pas l'erreur de se retourner.
- Vous êtes une jeune fille pleine de ressources, j'avais raison, répondit-il sur le même ton.
- Bien aimable... Je fais quoi, maintenant ?
- Vous allez retourner à notre propre camp. Commencez par avancer dans les arbres. Quand vous serez hors de portée, redescendez et courez aussi vite que vous pouvez. Belloq ne va pas tarder à passer la jungle au peigne fin.
- Ok, ensuite ?
- Ensuite, vous prenez la jeep et vous partez !
- J'ai 15 ans, Werner, je ne sais pas conduire.
- Alors allez l'expliquer à Belloq !
- Et vous ?
Les gardes se tournèrent vers leur prisonnier. Celui-ci les regarda en souriant : il sentit que Lara était partie.

L'adolescente s'offrit un dernier sprint pour rejoindre leur camp. Elle posa l'idole par terre et rassembla rapidement quelques affaires importantes - son passeport, notamment. Elle jeta le tout à l'arrière de la jeep, en vrac, et alla ramasser la statuette. Soudain, une intense douleur, très vive, très piquante, lui vrilla les doigts, l'empêchant de prendre l'idole. Elle regarda ses doigts : un trait ensanglanté traversa les phalanges de tous ses doigts. Elle leva les yeux : à quelques mètres d'elle se tenait un homme. Il portait un pantalon de velours, un blouson en cuir élimé, un chapeau Stetson qui cachait son visage, un pistolet à la ceinture et un fouet, qu'il ré-enroulait après s'en être servi sur la jeune fille. Au contraire de Blondin, enfin Belloq, il ne se dégageait aucune mauvaise aura de lui. Lara tomba sous le charme de cet homme mystérieux. Mais elle revint à la réalité à cause de la douleur cuisante de ses doigts.
- Ca va pas, non ? s'exclama-t-elle. Ca fait mal !
Sans répondre, l'inconnu refit claquer son fouet. La fine lanière de cuir s'enroula autour de la taille de Lara. Il l'attira à lui et, d'un petit coup bien placé, l'assomma.
Elle n'eut pas le temps de vraiment revenir à elle. A peine consciente, elle se cogna violemment la tête contre une paroi métallique. Elle gémit. Elle était allongée à l'arrière de la jeep, qui roulait à vive allure. L'adolescente était bringuebalée d'un côté et de l'autre. Elle constata que l'homme au fouet conduisait rapidement. Elle se redressa : une balle siffla à ses oreilles !
- Couchez-vous ! lui hurla le charismatique inconnu.
Au détour d'un virage, comme ils perdirent de vue leurs poursuivants, l'inconnu lui hurla un ordre, sans se retourner.
- Quoi ? demanda-t-elle.
- Saute, petite !
- Non, répondit-elle. Je veux l'idole. Je veux comprendre. Vous êtes qui ?
Soudain, l'inconnu se mit debout sur les freins et s'arrêta brutalement. Lara fit un vol plané et se retrouva sur le siège avant, les fesses en l'air. D'un bon coup de pied, l'inconnu la fit descendre de la jeep : elle tomba lourdement au sol.
- Espèce de brute ! s'exclama-t-elle. Je suis une jeune fille mineure, vous pourriez être galant ! Qui êtes-vous !
Elle n'avait toujours pas vu son visage, d'autant qu'il se retourna pour regarder ses poursuivants du côté opposé à elle. Il tendit l'idole au-dessus de sa tête.
- Par ici, Belloq ! hurla-t-il. C'est ça que tu cherches !
- Rendez-moi ça, John ! cria Blondin en réponse, dans une des jeeps poursuivantes
Lara n'avait pas très bien entendu le nom. John. L'inconnu s'appellerait donc John.
- Sa place est dans un musée ! cria « John ».
Et il redémarra en trombe. Toutes les jeeps bondirent : la course poursuite recommença, mais sans Lara. Ni Werner, qui approchait en claudiquant, sa canne à la main.
- Werner ! s'écria l'adolescente. Vous allez bien ?
- Ca va, merci.
- Qu'est-ce que c'est que ce b... ?
Il l'interrompit d'un geste impérieux.
- L'archéologie d'aventures est un monde très dangereux, Lara, dit-il.
- Qui c'était ?
- Vous le saurez bien assez tôt.
- Vous le connaissez ?
- Tout le monde le connaît. C'est une légende.
- Comment s'appelle-t-il ? John ?
Werner lui sourit... mais ne répondit pas.
- Rentrons, Lara !
Il se remit à marcher sur la piste, dans la direction des jeeps. Lara avait une nuée de points d'interrogation au-dessus de la tête. Frustrée, elle finit par suivre son mentor, en suçant la blessure à ses doigts.

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