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Des héros et des femmes

Des héros et des femmes, par Clara, le 14 décembre 2010.

« Les gens sont ce qu'est leur époque. » (Shakespeare)
« Chaque époque engendre son héros. » (Proverbe coréen).

Les héros, fruits de l'imagination collective, sont un reflet de la société dans laquelle ils sont représentés. Suite à la bataille des Thermopyles en 480 avant notre ère, la ville d'Athènes est prise par les Perses et les Athéniens sont forcés d'évacuer. De nombreuses représentations artistiques de cette époque figurent l'Ilioupersis, la chute de Troie, légende grecque on ne peut plus représentative du ressenti des Athéniens dont la ville venait d'être conquise par les Barbares. Dans toute représentation d'un héros réside une part d'identification de la société dans laquelle il apparaît.


Le corps du petit Astyanax jeté par-dessus les murailles de Troie.

On peut se pencher sur un exemple plus moderne - et plus accessible - comme celui de Batman et des personnages féminins croisant sa route. Si le héros lui-même reste un vainqueur constant, les héroïnes qui l'entourent ont au mieux un rôle de faire-valoir. Dans les années 1940, la place réservée à une femme dans le monde du comic book était surtout décorative. Les plus actives étaient des femmes fatales ennemies, usant de leurs charmes pour détourner le vertueux héros du droit chemin.


Première apparition de Catwoman.

Les années 1960 et surtout 1970 ont vu apparaître des héroïnes plus indépendantes dans un contexte politique qui s'y prêtait. En 1961, John Fitzgerald Kennedy et son administration créent la Commission Présidentielle sur le statut des femmes, projet en échange duquel Kennedy avait obtenu l'appui d'Eleanor Roosevelt et des militantes féministes lors des élections de 1960. C'est à cette époque qu'une seconde vague féministe touche la société et l'art, diffusant dans la culture des images de femmes libérées. En 1975, le personnage de Wonder Woman est porté à la télévision et la série connaît un succès phénoménal. Wonder Woman est l'une des premières véritables superhéroïnes, et sans doute la plus célèbre.


Lynda Carter, consacrée superstar grâce au succès de la série.

Dans un monde en pleine explosion politique, sociale, économique et technologique, les années 1980 relèguent au second plan la figure héroïque classique. Surfant sur le courant punk, des héroïnes destructrices comme Tank Girl et Nikita voient le jour.


Tank Girl, punk, féministe et anarchiste.

C'est dans ce contexte qu'est née Lara Croft. Si Tomb Raider n'est sorti qu'en 1996, les premiers croquis de Lara Croft remontent à 1992. Enfant tardive des années 1980, elle hérite de l'hyperviolence du mouvement post-punk et de la silhouette parfaite du rêve américain. Les années 1990 voient aussi l'explosion du jeu vidéo, la Nintendo 64 et la Playstation s'imposant comme les consoles de la décennie. A l'époque, Tomb Raider est à la pointe de la technologie et de la mode et Lara Croft est la digne héritière des héroïnes des décennies précédentes.


Lara Croft est une psychopathe, a dit Toby Gard, son créateur.

Mais, alors que les mentalités évoluent et que d'autres héros et antihéros voient le jour, Lara Croft ne change pas. Au fil d'épisodes au scénario de plus en plus maigre, elle doit répondre à de nouveaux standards. Les fans, avides de détails, alimentent eux-mêmes le mythe et construisent à Lara Croft une biographie sur mesure, qu'Eidos reprendra sur les sites officiels. Et, au tournant de l'an 2000, Core Design tente enfin de satisfaire la demande en dévoilant dans le quatrième épisode un pan de la vie de Lara Croft jusque là inexploité : ses premiers pas d'aventurière. Mais cette Lara Croft reste trop parfaite et le constat est là : la recette habituelle est, à l'instar de l'imagination des concepteurs, usée jusqu'à la trame. Tomb Raider a besoin de changement et, pour le provoquer, Core Design n'hésite pas à enterrer Lara - littéralement. La franchise a besoin de changement. D'une Lara différente. D'un scénario plus fouillé. De personnages plus riches. Puisant en partie sa source dans le fantastique et le mouvement gothique alors très à la mode, Tomb Raider 6 « L'Ange des Ténèbres » se pose comme une révolution de la franchise. Mais aussi riche qu'ait été son scénario, le jeu est un échec technique. D'aucuns prétendent que c'est là son seul défaut et que, si Core Design avait bénéficié d'une année supplémentaire, si les kits de développement étaient arrivés plus tôt, si les forces déployées sur Tomb Raider 5 avaient directement planché sur Tomb Raider 6... l'Ange des Ténèbres allait peut-être dans la bonne direction.


Tomb Raider 6 brisait l'image de Lara Croft.

On ne refera pas l'histoire, les notes attribuées au jeu sont épouvantables et Eidos de déplacer la franchise d'un studio à un autre. Crystal Dynamics fait machine arrière et fait table rase des dernières modifications scénaristiques entreprises par Core Design. « L'Ange des Ténèbres » restera inachevé. La trilogie Tomb Raider Legend-Anniversary-Underworld, malgré une excellente réalisation technique, ne fait que confirmer l'inévitable conclusion : la formule est éculée et, si Lara Croft veut se mesurer aux héroïnes d'aujourd'hui, elle doit acquérir une véritable personnalité, et plus un caractère composé uniquement par les joueurs. Il fut un temps où cela suffisait de l'entendre dire « Non » lorsqu'on sélectionnait la mauvaise clé pour une serrure. Autre temps, autres moeurs. Produire une copie-carbone de jeu en jeu ne suffit plus. En choisissant de l'égratigner, de la blesser, de montrer sa souffrance, Crystal Dynamics ose faire un choix, celui entrepris par Core Design il y a plus de dix ans : Lara Croft doit toucher le fond pour mieux remonter. Dans l'imaginaire de beaucoup de fans, Lara est déjà un personnage blessé. Cosplayeurs, dessinateurs, auteurs de fanfictions n'hésitent pas à dépeindre une Lara ensanglantée.


Lili, cosplayeuse de talent, incarne toujours une Lara marquée par les épreuves.

Car c'est ainsi que sont représentées les héroïnes d'aujourd'hui. Elles ne sont plus des faire-valoirs, des symboles féministes, des personnages antagonistes ou des antihéros. A la manière d'un héros marqué par les épreuves, elles sont blessées, chutent et se relèvent.

Une question reste pourtant en suspens : Lara Croft peut-elle rentrer dans ce moule ? S'agit-il d'un personnage tellement hors du commun que ce changement risque de la dénaturer complètement ? Lara Croft possède-t-elle même une véritable nature ? Si oui, est-ce celle que Toby Gard, son créateur, lui a conféré en 1992, lors de ses premières ébauches ? Ou bien à la sortie du premier jeu, en 1996 ? Est-ce ce qu'il lui a apporté dans Tomb Raider Legend et Anniversary ? Est-il plus naturel pour Lara Croft de se battre contre les autochtones d'une île japonaise plutôt que d'explorer les égouts parisiens ? Est-il possible que, si le personnage a survécu à autant de changements, elle soit en constante évolution et que plus rien ne puisse plus la dénaturer ?


Les héroïnes d'aujourd'hui se ramassent avant de se relever.

Une chose est sûre : la répétition de la recette a longtemps fatigué et déçu. Par le changement radical qu'ils entendent apporter, Crystal Dynamics et Square Enix ont plus d'un fan frustré et plus d'un joueur frileux à reconquérir. Heureusement, Lara est entre de bonnes mains.


Egratigner Lara, un bon début ?

« Le héros est celui qui relève le gant
quand toutes les chances sont contre lui. » (Eschyle)