Chapitre 2
- Je vais chercher les pansements, soupira
Winston. Je sens qu'on va en avoir besoin...
Bryce posa le drap qu'il venait de tirer pour dévoiler sa nouvelle «
training machine », selon sa propre expression. L'appareil était
constitué d'une grande paroi semi-circulaire, dont la surface intérieure
était percée de trous d'une dizaine de centimètres de diamètre.
- Le but est d'améliorer tes réflexes, expliqua Bryce, ignorant la remarque
de Winston. Tu te tiens au milieu du demi-cercle, et tu pares les différents
« coups » qui jaillissent des orifices. Installe-toi, je te montre !
Tout excité par son invention, le jeune homme poussa Lara au centre de
l'appareil, face à la paroi trouée. Il retourna à ses consoles informatiques
et tapa sur quelques touches.
- Ok, Lara, un des coups va sortir sur ta gauche, à hauteur du visage.
Recule un peu et ne le touche pas !
Lara s'exécuta. Dans un petit bruit feutré, une sorte de manchon jaillit de
l'orifice, stoppant à quelques centimètres du visage de la jeune femme.
Bryce la rejoignit aussitôt.
- Regarde, dit-il. Le bout du manchon est entouré d'un petit coussin qui
amortit le choc. Au bout se trouve un petit capteur, qui renvoie le «coup»
dans son trou dès qu'il touche quelque chose. Ta main, ton coude... ou ton
visage.
- Intéressant... finit-elle par dire.
- Bien sûr, la séquence des coups est générée aléatoirement. Si jamais tu te
laisses déborder, il te suffit de reculer pour sortir du champ d'action de
la machine. Top sécurité !
- Ok, j'ai compris. On essaye !
Lara attacha ses cheveux en queue de cheval et commença quelques
assouplissements, tandis que Bryce préparait la première séquence. Winston
revint alors avec une trousse à pharmacie complète. Lara le regarda sortir
quelques produits avec une moue boudeuse.
- C'est très vexant ce que vous faites, Winston, l'avertit-elle.
- J'en ai conscience, Lara, répondit le majordome, sans cesser sa minutieuse
préparation.
La jeune femme haussa les épaules et s'installa au milieu de la machine.
- Séquence niveau 1 enclenchée ! s'écria Bryce suite au petit signe de la
main de sa patronne.
Le premier manchon jaillit à la droite de Lara, à hauteur de visage. Sans
bouger les pieds, elle pencha le torse en arrière, évitant le coup qui passa
sous son nez. Elle donna une petite tape de la paume pour le faire rentrer.
Le second jaillit à gauche, à hauteur de cheville. Elle leva la jambe,
bloquant le manchon avec le coup du pied. La séquence s'accéléra alors peu à
peu. Les coups sortirent les uns après les autres, à un rythme de plus en
plus rapproché. Lara paraît, évitait, anticipait même la sortie des
manchons.
- Bryce, mon chou, ta machine est géniale ! s'écria-t-elle en riant.
***
Lara était assise sur la table de la
cuisine, les mains sur les genoux. Winston posa le pansement sur son arcade
droite, avant de lui tendre une poche de glace. Elle lui prit des mains de
mauvaise grâce, n'osant croiser son regard ironique et réprobateur. En
grommelant, elle appliqua la poche de glace sur sa mâchoire, à gauche. Elle
gémit de douleur, en serrant les dents.
- Peut-être que la huitième séquence est trop difficile, remarqua Bryce.
Lara le foudroya aussitôt du regard. Sans un mot, elle descendit de la table
où elle était perchée et partit pour le salon, tenant toujours la poche de
glace sur sa joue endolorie. Elle s'effondra dans un épais fauteuil et posa
négligemment les pieds sur une table basse proche. Winston arriva presque
aussitôt avec un léger remontant. Il déposa le plateau sur la table basse,
forçant la jeune femme à ôter ses pieds.
- Vous êtes dans le journal, Lara, attaqua le majordome en prenant celui-ci,
qu'il avait calé sous son bras.
- Quoi, pour ma donation pour la recherche contre les lésions cérébrales?
s'étonna-t-elle. J'avais demandé aux journalistes de ne pas parler de ce don
! Ils vont m'entendre ! Appelez-moi Ellington !
- Inutile...
Winston jeta le journal devant Lara. La jeune femme y jeta un coup d'oeil,
soudain suspicieuse. La une titrait sur la dernière décision contestée de
Tony Blair, sur un énième voyage du prince Charles, et sur la victoire
précieuse d'Arsenal dans la course au titre de champion d'Angleterre de
football. Mais dans un coin de la première page, Lara repéra une petite
photo, qui montrait des passants sur un trottoir, un homme légèrement flou,
visiblement en fuite, et elle-même, floue mais reconnaissable, assise par
terre. Son regard se reporta alors sur le titre : « Un voyou descend l'un
des responsables du British Museum en pleine rue ! ». Elle posa la poche de
glace sur l'accoudoir du fauteuil et prit le journal. Elle chercha et trouva
la bonne page. Elle commença à lire, ignorant les marmonnements outrés de
Winston qui essuya l'accoudoir devenu humide.
« Un voyou descend l'un des responsables
du British Museum en pleine rue !
Hier, aux alentours de midi, un individu
a commis un crime devenu rare de nos jours : un meurtre en plein jour.
L'agresseur a arraché le sac de la victime, avant de l'abattre d'un coup de
feu et de fuir. Les policiers en faction non loin de l'attaque auraient pu
arrêter le criminel avec le concours bien involontaire d'une jeune femme,
que l'agresseur a percutée dans sa fuite (voir photo ci-contre). L'incident,
bien que dramatique, aurait pu être classé dans les simples faits divers si
ce n'était l'identité de la victime : Walter Robson, l'un des hauts
responsables du célèbre British Museum. La Police londonienne a
immédiatement fait appel à Scotland Yard pour connaître la nature de l'objet
volé, mobile le plus probable de ce crime odieux. »
Lara reposa le journal et regarda Winston.
Elle semblait perdue dans le vague, réfléchissant à ce qu'elle venait de
lire.
- Et vous pensez que l'objet volé appartenait au musée, et était
suffisamment important pour justifier un meurtre ? finit-elle par demander.
- Oh, moi, je ne pense pas, Lara, je ne suis que majordome...
- Très drôle, Winston, vraiment très drôle.
La jeune femme se leva et s'étira.
- Bon, Winston, je vais dans mon bain. En attendant, vous allez faire
préparer la meilleure chambre d'ami. Appelez un bon cuisinier indépendant et
faites le venir pour un bon repas ce soir. Préparez également une bonne
donation pour le centre d'éducation de West. Enfin, sortez-moi la Jaguar, je
pars pour Heathrow dans une heure !
Ayant donner ses directives, Lara monta se plonger avec délectation dans son
bain bouillant.
***
Manoir Croft - Aéroport d'Heathrow. La
plupart des gens aurait parcouru la distance séparant les deux lieux en une
heure environ. La puissante Jaguar avala la route en trente minutes, montre
en main. Lara s'engagea à fond sur la rampe du parking souterrain principal
de l'aéroport. Les pneus crissèrent sur le revêtement particulier, faisant
un boucan infernal qui résonnait dans tous les niveaux de la structure. Elle
s'approcha le plus près possible de l'accès piéton et se gara comme elle
avait conduit, c'est-à-dire brutalement. Un rapide coup d'oeil dans son
rétroviseur avant de sortir lui permit de voir un vigile, noir d'habits et
noir de peau, foncer vers sa voiture en courant. Elle sortit.
- Non, mais vous êtes folle ?? hurla le vigile en approchant. Ca va vous
coûter cher, ma p'tite dame !
- Du calme, Dennis...
Le vigile s'arrêta net. Il tendit le poing fermé, le collant contre celui de
Lara en un salut particulier.
- Croft, putain, ça va pas de me faire des trouilles pareilles ?
s'écria-t-il. T'as vu comme tu déboules dans ce putain de parking ? On a du
t'entendre dans tout ce putain d'aéroport, voire jusque dans cette putain de
ville !
- Comme si t'avais pas l'habitude de me voir débarquer par ici, Dennis !
- D'habitude, t'as ta putain de moto, et pas une putain de Jaguar ! Y'a
quand même une putain de différence au niveau de ce putain de boucan!
- Tu me la gardes au chaud, s'il te plait ? demanda Lara.
- Ouais, pas de souci, mais ramène vite ton putain de petit cul par ici !
Lara lui fit un clin d'oeil complice et s'éloigna.
- Putain de petit cul que t'as fort joli d'ailleurs... finit le vigile.
La jeune femme tourna la tête et lui tira la langue, tout en secouant ses
fesses d'une façon provocante, déclenchant une énorme hilarité chez son
singulier ami.
Heureusement, le Boeing en provenance de New York n'avait pas de retard, et
Lara se retrouva vite à se jeter au cou d'Indy. Tenue dans les bras de son
ami, elle ne touchait plus le sol, et se permit même de l'embrasser sur les
lèvres. Le docteur Jones la reposa à terre.
- Je suis contente de te voir, Jones ! s'écria Lara avec sincérité. C'est
quoi cette tête ? T'es passé dans un champ de ronces ?
Indy s'esclaffa en touchant le gros pansement sur son front, puis en passant
les doigts sur les multiples griffures de son visage.
- Un petit différend au sujet de l'objet le plus important de ma vie.
- Le Graal ?
- La Croix de Coronado.
- Ah oui, que tu as trouvé avec les scouts quand tu avais quinze ans.
Indy soupira : sa biographie n'avait vraiment aucun secret pour sa jeune
amie.
- En tout cas, je suis également ravi d'être là, ma belle ! fit-il. Surtout
avec un tel accueil !
- Go pour un repas mémorable au manoir Croft ! On discutera en route.
Lara guida son ami en direction du parking où elle avait garé la Jaguar. En
chemin, Indy s'arrêta soudain devant un kiosque et attrapa aussitôt un
journal. Il lisait la Une avec attention.
- Eh oui, soupira Lara. Je suis en photo dans le journal bien malgré moi !
- Hein ? s'étonna Indy, interrompu dans sa lecture.
- Ah ok, c'est pas pour ma position ridicule que t'as pris ce canard...
- Robson a été tué en pleine rue...
- Oui, et le tueur m'a bousculée en fuyant, d'où la photo volée. Tu le
connaissais ?
- Mon père. C'était un ami proche de mon père. Un rat de bibliothèque. Pas
d'ennemis. Donc c'est vraiment ce qu'on lui a volé qui importe...
- Laisse-moi deviner, Indy... Artefact, réunion divine, fin du monde, Jones et
Croft ?
- On ne meurt pas en pleine rue pour un ossement de dinosaure, Lara...
- J'étais sûre que t'allais dire ça... Bon, on va manger ?
Indy acquiesça, puis acheta le journal. Ils rejoignirent le parking, où Lara
fit vrombir le moteur de sa Jaguar. Comme un signal, le bruit résonnant dans
tout l'édifice fit jaillir le vigile de nulle part. Lara démarra en trombe
sous son nez.
- Putain de gonzesse, marmonna-t-il.
Il regarda partir la puissante voiture, puis se mit à sourire.
- Mais quel putain de petit cul !
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