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L'âge de glace - Director's Cut

L'âge de glace - Director's Cut, Chapitre 14, par Pitoch, le 13 février 2006.

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Chapitre 14

Lara et l'assassin de White Chapel, comme elle continuait à l'appeler mentalement, se séparèrent afin de faire le tour de l'entrepôt. Une fois certain que personne n'était présent à part eux, ils se rejoignirent au centre.
- Personne, fit Lara. Tous partis.
- Je m'appelle Kurtis Trent, fit le jeune homme.
Lara le regarda de biais, sans cacher sa méfiance.
- C'est un nom comme un autre. Inutile que je me présente, par contre, n'est-ce pas ?
Trent haussa les épaules.
- Je n'ai pas tué Jack Penny, fit-il simplement.
- Ah oui ? Marrant ces coïncidences, quand même, non ? Et marrant que vous teniez immédiatement à vous défendre...
Il la regarda soudain avec sévérité. Lara eut un léger mouvement de recul.
- J'ai besoin de vous, et vous avez besoin de moi, miss Croft. Je tiens donc à mettre les choses au point d'entrée.
- Vous pensiez obtenir ma confiance juste parce que vous m'avez innocentée ?
- Je me moque d'avoir votre confiance ou non. Je veux juste votre aide. Pour réparer VOS dégâts.
- Pardon ?
- J'étais censé protéger Asgard, empêcher quiconque de reconstruire la lance d'Odin. A cause de Jones et de vous, Lorsenn a pu y entrer. Pire, nous sommes maintenant incapable de le rejoindre, sans la lance !
- Au moins nous avons agi, répliqua-t-elle, de plus en plus énervée.
- Mal, bien trop mal !
Lara se retrouva soudain dans la situation qu'elle avait connu pendant l'aventure de Scholomance, où elle s'était faite réprimander comme une gamine par le père d'Indy. Elle avait détesté ça, mais elle s'était tue, forcée au respect par la stature et la réputation de Jones. Mais ici et maintenant, ce n'était qu'un jeune blanc-bec. Un assassin, de surcroît. Lara se planta soudain devant lui, folle de rage.
- Alors quoi ? s'exclama-t-elle. Nous avons essayé d'empêcher Lorsenn d'avoir la lance, mais nous devions la prendre pour nous-même.
- Non, il ne fallait pas.
- La Terre va être dévastée, bordel !
- Ce sera bien pire avec Lorsenn de retour en Asgard !
- De « retour » ???
Trent se tut soudain, conscient d'en avoir trop dit. Il se détourna de la jeune femme, mais celle-ci l'attrapa par le bras, le forçant à se retourner.
- Pas si vite ! On reste ensemble !
- Ce serait ridicule, fit-il en se dégageant. Partons chacun de notre côté. J'ai de plus l'habitude de travailler seul.
Il s'éloigna vers une des extrémités de l'entrepôt.
- Et je n'ai pas tué Jack Penny, termina-t-il sans se retourner.
Lara le regarda partir en serrant les poings, puis se décida à quitter à son tour l'entrepôt, par la sortie opposée.

***

Lara déboucha dans un couloir métallique, nu et froid. L'éclairage au néon donnait une atmosphère de base spatiale haute technologie. Tout en marchant, elle pensa que, finalement, elle n'avait aucune idée de où elle se trouvait. Toujours dans la méditerranée ? De retour à Londres ? Elle haussa les épaules. Maintenant, elle devait retrouver Indy, c'était le plus important. Ensemble ils pourraient aviser. Car Lorsenn partit en Asgard, la situation se compliquait. Sur ce point, elle ne pouvait donner tort à Trent. D'ailleurs, que pouvait-il chercher, celui-là, maintenant ? Sa mission était un échec, Lorsenn était entré en Asgard. Alors que pouvait-il faire ? Trouver une autre lance ? C'était possible, car le conservateur du British Museum leur avait dit que la pointe n'était pas une pièce unique. Peut-être une idée à creuser. Il faudrait qu'elle en parle à Indy, une fois qu'elle l'aurait retrouvé. Son esprit vagabondait toujours lorsqu'elle atteint une intersection. Elle regarda devant, à gauche, puis à droite, pour constater qu'il n'y avait aucune différence : tous les couloirs étaient identiques, d'un gris métal déprimant.
- Faudra virer le chef décorateur, se dit-elle. Et non, je ne suis pas paumée...
Elle se rappela une phrase de son père, qui affirmait que dans un labyrinthe, il faut toujours tourner à droite pour en sortir. Intriguée par cette affirmation depuis son enfance, Lara avait fait construire un labyrinthe végétal dans le parc du manoir Croft afin de vérifier par elle-même. Elle n'avait pas encore eu le temps de le faire. Alors, dans ce dédale gris métallisé, elle s'engagea dans le couloir de droite. Après deux autres intersections à droite, elle se retrouva à son point de départ.
- Ce qui est totalement logique, se dit-elle. En tournant tout le temps à droite, on tourne en rond ! Merci papa.
Elle partit tout droit.
Lara s'engagea dans son huitième couloir identique. Le bâtiment semblait ne pas avoir de limites et être découpé en quadrillage serré. L'enchaînement de couloirs impossibles à différencier les uns des autres rendait la jeune femme très nerveuse, presque malade. Arrivée à la neuvième intersection, offrant encore une fois trois couloirs identiques, Lara s'arrêta et s'appuya contre le mur, prise de nausées. La confusion de son esprit et le total dérèglement de ses sens avaient sensiblement augmenté sa température corporelle, et elle se trouvait maintenant avec une forte fièvre, et des pensées délirantes. Elle se laissa tomber par terre, assise contre le mur gris et uni du couloir. Elle ferma les yeux, tentant d'oublier cet enfer métallisé. Une phrase de Trent lui revenait sans cesse en mémoire : Lorsenn de retour en Asgard. Lorsenn était déjà entré en Asgard. Et pourtant la pointe de la lance était dans le musée depuis plus d'un siècle. Dans son délire, Lara trouva une explication. Totalement farfelue. Irréelle. Tellement effrayante qu'elle ouvrit les yeux, prise de panique. Elle devait trouver Indy. Elle se leva difficilement et s'engagea dans un nouveau couloir.

***

Quatorzième couloir. Lara était devenue folle, elle s'en était convaincue elle-même. Marchant de plus en plus lentement, elle tomba alors non pas sur une intersection, mais sur une porte. Son cerveau mit un certain temps à analyser l'information, mais il y parvint : le coeur de la jeune femme se mit à battre la chamade. Elle constata que la charnière était disposée de telle sorte que la porte s'ouvrait vers l'extérieur. Sans hésiter, soudain pleine d'espoir, elle prit la poignée, ouvrit et s'engagea. Le sol se déroba aussitôt sous ses pieds. Elle tomba en criant, mais eut le réflexe de ne pas lâcher la poignée de la porte. Emportée par l'élan, la porte continua son chemin et alla violemment claquer contre la paroi métallique. Le choc manqua de faire lâcher prise à la jeune femme. Tentant de se calmer, Lara attrapa la poignée à deux mains et assura sa position. Qui restait néanmoins plus que précaire. Lentement, elle regarda à ses pieds : une brume inquiétante empêchait de voir le fond du précipice. Elle calma sa respiration et analysa sa situation. La porte donnait directement sur l'extérieur, certes, mais elle était percée en plein milieu d'une paroi lisse, dominant un gouffre à-priori sans fin. Un piège anti-curieux très efficace, il lui fallait le reconnaître. Pour rajouter encore à la difficulté de sa situation, le vent et la neige lui fouettaient le visage, et le froid intense commençait à lui geler les doigts, crispés à la poignée. Bref, c'était quasiment désespéré. Lentement, sans mouvements brusques, Lara ramena ses jambes vers elle afin de poser les pieds contre la paroi. En prenant de l'élan, elle devrait arriver à ramener la porte vers son encadrement, donc vers la sécurité du bâtiment. Une fois ses pieds placés, elle donna une violente impulsion. La porte quitta la paroi pour revenir vers son encadrement mais, à mi-parcours, le gond supérieur céda, faisant ainsi descendre Lara d'une bonne dizaine de centimètres. Mais surtout, la porte n'était plus en ligne avec sa charnière et ne pouvait donc plus tourner. Lara était bloquée au-dessus d'un précipice, de plus en plus frigorifiée, à un bon mètre du salut.
- Merde... gémit-elle. Faut que j'arrête la crème au chocolat.
Les gonds se mirent à grincer, violemment sollicités par le poids de Lara : la porte allait bientôt céder, menaçant de plonger la jeune femme dans les profondeurs. Soudain, l'encadrement de la porte se boucha entièrement, bloquant totalement l'accès au bâtiment. Lara leva les yeux et reconnut avec surprise Lorsenn, qui lui tendait la main. Malgré le froid et la peur, elle l'attrapa. Le riche norvégien ramena la jeune femme à l'intérieur du bâtiment, en sécurité. De ses énormes mains, il frotta le corps de Lara afin de la réchauffer. Ce fut efficace, et la jeune femme reprit rapidement des couleurs.
- Merci, bredouilla-t-elle enfin.
Lorsenn lui répondit par un sourire franc et massif.
- Que faites-vous là ? demanda-t-elle, la curiosité finissant par l'emporter. Vous êtes de retour ?
- Suivez-moi, Lara. Je vais vous conduire à une chambre où vous pourrez vous reposer.
- Vous ne me répondez pas ?
- Non. Pas encore.
Lara se mit à presque courir pour rester à la hauteur de l'armoire humaine, qui couvrait trois fois la distance que faisait la jeune femme entre chaque pas. Elle jeta un coup d'oeil en arrière, et constata que la porte cassée avait disparu, faisant place à une nouvelle intersection et un nouveau jeu de couloirs uniformes. Une idée lui traversa soudain l'esprit.
- Nous sommes en Asgard, n'est-ce pas ? fit-elle. Je veux dire, j'ai cru que vous aviez disparu, tout à l'heure, mais en fait, je suis aussi passée dans le royaume des Dieux. C'est ça ?
- En quelque sorte, oui, confirma Lorsenn. Nous sommes dans la partie « basse » d'Asgard.
- Vous semblez bien connaître les lieux...
- J'ai beaucoup étudié avant de venir.
- Bien sûr...
Lorsenn s'arrêta soudain face à une porte et l'ouvrit. Lara se crispa malgré elle, mais l'armateur norvégien se contenta d'entrer dans un ascenseur tout à fait banal. Elle fit de même et ils montèrent.
- J'avoue que je ne voyais pas Asgard comme ceci, reprit-elle.
- Moi non plus. Mais nous voyons ce que les Dieux nous permettent de voir. Uniquement.
- C'est vrai. Voyez-vous la même chose que moi, alors ?
- Je pense, oui.
- Le docteur Jones est-il passé en Asgard également ?
- Oui, il nous attend dans un salon, afin de discuter.
- Un salon ? Les Asgardiens savent recevoir, donc ?
La porte de l'ascenseur s'ouvrit alors. Lara resta totalement abasourdie, incapable de bouger ou de prononcer un mot.
- Plus que vous ne le croyez, Lara. Beaucoup plus.

***

La pièce ressemblait à un vieux temple grec, sauf que tout semblait être fait de glace. Les colonnes, le mobilier, ainsi que les statues étaient transparents. Une douce chaleur irradiait dans la salle, et la lumière s'éclatait en arcs-en-ciel dans chaque élément de glace. De superbes femmes blondes en armure montaient la garde tandis que d'autres, moins vêtues, servaient des boissons et des plateaux de mets qui avaient l'air... divins. Lorsenn encouragea Lara à avancer. La jeune femme, subjuguée, rejoignit Indy, assis à une table de glace. Elle reconnut également l'assistant de Lorsenn, l'homme à tête de fouine. La jeune femme ressentit aussitôt l'antipathie initiale envers cet homme : ça n'avait pas évolué. Elle détestait naturellement « tête de fouine » autant qu'elle admirait Lorsenn. Tentant d'oublier son émerveillement, Lara se composa un masque de sérieux et de gravité avant de prendre place à côté d'Indy, face à Lorsenn et son assistant. Elle nota mentalement l'absence de Trent, et se surprit à se demander s'il allait bien.
- Bien, nous voilà tous réunis ! fit Lorsenn avec son sourire franc. Nous allons pouvoir commencer.
- Commencer ? s'étonna Indy.
- Les négociations.
- Les quoi ???
- Docteur Jones, vous vous méprenez sur moi depuis le début. Vous voyez en moi un « méchant », un milliardaire mégalomane qui veut conquérir le monde, comme un de ceux à qui vous avez déjà eu à faire. Et vous avez tort.
- Quelques indices me laissent quand même à penser que j'ai raison.
- La mort de Robson ? Une erreur d'interprétation. J'avais demandé à ce que l'on me récupère la pointe de la lance par tous les moyens. C'est ma faute, je reconnais.
- La mort de Penny, également.
- Pas de mon fait.
- Notre enlèvement, à Lara et à moi.
- Une simple façon de vous faire venir sans entrer dans des palabres interminables.
- Vous avez réponse à tout, Lorsenn ?
- Lorsqu'il s'agit de ma réputation, oui.
L'armateur accentua encore son sourire : il paraissait parfaitement détendu.
- Docteur Jones, je voulais entrer en Asgard. C'était le but ultime de mon existence. Maintenant que c'est fait, que j'ai réussi, je suis libéré. Libre. Heureux. Je peux donc dorénavant m'occuper de Fenryr.
- Je crains ne pas bien comprendre...
- Et bien, je vais vous aider à sauver la terre, en capturant Fenryr. Donc en reconstruisant la corde des Nains.
Indy resta silencieux, ne sachant quoi répondre. Lara, elle, était carrément abasourdie.
- Nous irons ensemble en parler humblement à Odin, continua Lorsenn. En attendant, mon assistant va vous amener dans vos chambres, histoire que vous puissez vous reposer.
- Vous agissez comme si vous étiez chez vous, Lorsenn, fit Indy.
- Bien sûr que non. J'agis comme les Valkyries m'ont dit d'agir.
Il se leva, imité par son assistant. Tête de Fouine invita Indy et Lara à le suivre. Ils retournèrent ensemble à l'ascenseur, en direction d'un autre étage.

***

La chambre dans laquelle Lara avait été installée ressemblait à la suite d'un prestigieux palace. Immense, lumineuse, chaleureuse et très chic, la pièce était une merveille, à l'instar de tout ce qu'elle avait vu d'Asgard pour l'instant. Hormis le labyrinthe métallique et mortel, bien entendu. Rapidement, Indy la rejoignit. Il servit deux verres de whisky trouvé dans le mini-bar, tandis que la jeune femme faisait un rapide tour de la chambre à la recherche de micros cachés.
- Tu fais dans la paranoïa, en ce moment, si je peux me permettre... fit Indy.
- On n'est jamais trop prudent, répliqua-t-elle.
- Tu n'as pas pensé que nous sommes dans un royaume divin, et que les Dieux n'ont pas besoin d'appareils pour nous écouter ?
- Ce n'est pas l'indiscrétion des Dieux que je crains. Quoique...
Indy lui donna son verre en souriant. Lara en but aussitôt une bonne gorgée.
- Ton avis sur Lorsenn ? demanda-t-elle.
- Il est... étonnant.
- Quel euphémisme ! Tu penses qu'on peut s'y fier quand il dit qu'il va nous aider ?
- En tout cas, je pense que rien ne coûte de rester sur nos gardes.
- C'est évident ! Mais... enfin, j'ai une théorie sur Lorsenn, mais... disons que... enfin, elle est un peu bizarre...
Indy s'esclaffa en sirotant son verre.
- Lara, nous avons vu ensemble des choses qu'on ne pouvait même pas concevoir, que ce soit durant l'Assemblée ou pendant Scholomance. Alors ton explication farfelue ne l'est peut-être pas tant que ça, d'autant que, à la vue des indices, je suis arrivé à la même !
- Vraiment ?
- J'en suis presque sûr, oui.
- Loki ?
Indy acquiesça de la tête. Lara soupira et se leva pour se resservir.
- Lorsenn est un Dieu... répéta-t-elle. Le Dieu Loki. Dieu du mal. Que faisait-il sur Terre, alors ? Pourquoi nous aiderait-il ?
Indy haussa les épaules et tendit son verre. Lara le remplit de nouveau.
- Mais au fait, dans ma mémoire, Loki et Fenryr sont liés, non ? reprit-elle.
- Oui. L'un est le père de l'autre, confirma Indy en s'asseyant sur le bord de l'immense lit.
- Il devrait donc nous mettre des bâtons dans les roues.
- Pas forcément. L'amour filial, chez les Dieux... D'autant que Fenryr est un Géant, et que Loki a participé à son enfermement.
- Donc il voudrait vraiment sauver la Terre ?
- Ca ne m'étonnerait pas. La Terre n'est qu'une étape dans la vengeance des Géants. Leur but reste Asgard.
- Et Lorsenn s'est donné beaucoup de mal pour y retourner...
- Précisément.
On frappa alors discrètement à la porte de la chambre. Lara alla ouvrir, s'attendant à trouver Trent. En fait de Trent, elle tomba nez à nez avec... Indy, qui lui faisait un grand sourire.
- Eh, miss ! Tu veux manger un bout ? demanda-t-il en tendant un plateau plein de fruits.
Lara regarda son ami dans les yeux, sans réellement le voir. Elle resta interdite un moment, puis se tourna vers la chambre, perplexe : personne n'était assis sur le lit.

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