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L'école - Director's Cut

L'école - Director's Cut, Chapitre 3, par Pitoch, le 1er septembre 2006.

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Chapitre 3

- Eh, doucement !!!
- Arrête de te plaindre, West !
Lara termina le noeud de cravate d'Alex. Elle serra le tout, lissa le costume avec les mains et termina d'arranger son « homme ». Elle tourna la tête vers Indy et jeta un oeil critique, mais la classe n'était pas la même : le costume lui allait à ravir.
- Bien, vous êtes parfaits ! finit-elle par admettre.
- Et toi, t'es encore en peignoir, remarqua Alex. Ce qui n'est pas pour nous déplaire, mais bon...
- Oui, je vais me préparer. Attendez-moi, j'en ai pas pour longtemps.
Elle les quitta pour s'enfermer dans la salle de bains de l'une des deux chambres d'hôtel qu'ils avaient pris dans le centre de Sydney. Elle ferma à clef derrière elle si bruyamment que les deux hommes y virent un message clair. Ils se sourirent d'un air complice.
- Alors, Lara et toi, ça a l'air de bien se passer... commença Indy en s'approchant du mini-bar.
- Oui, c'est vrai... On peut dire ça. Nous ne sommes pas un couple comme les autres. La preuve : deux chambres dans cet hôtel, mais une pour elle seule et l'autre pour les deux hommes...
- Oui, en effet. Mais c'est un avantage, quelque part : vous ne risquez pas de vous lasser l'un de l'autre.
- C'est pas faux. Néanmoins, parfois, j'aimerais qu'on évolue un peu plus...
- Et vers quoi ?
Alex sourit et lança un petit paquet à son ami. Indy réceptionna souplement. Il ouvrit l'écrin et découvrit une somptueuse bague sertie de diamants brillants. Il referma délicatement et la rendit à Alex, qui la rangea dans sa poche.
- Tu es sûr de toi ? demanda Indy.
- Pas du tout, non. D'autant qu'elle n'est pas très bijoux...
- Et tu t'es endetté sur combien, pour ça ?
Alex s'esclaffa.
- Quelques dizaines de mois... Mais peu importe !
- Ne te précipite pas trop.
- T'inquiète pas, Jones. J'attendrais la fin de cette histoire, minimum.
- Tu y crois, maintenant ?
- Non, mais je vous suis et je vous aide.
- Tant mieux.
- Mais je le sens mal, ce truc. J'ai un mauvais pressentiment.
- Bois, ça passera !
Indy lui tendit un verre de whisky en riant. Ils trinquèrent en attendant leur amie.
Lara ressortit de la salle de bains près de deux heures après y être entrée. Elle portait une jupe serrée et un chemisier blanc sous un tailleur très strict, ainsi que de fines chaussures à talon, deux longues boucles d'oreille et une paire de lunettes sobre. Elle s'était également légèrement maquillée et avait attaché ses longs cheveux en chignon. Une version de Lara ultra-féminine.
- La classe...murmura Indy.
- La super classe... renchérit Alex en soupirant.
Lara accepta les compliments en tapotant délicatement son chignon et en réajustant ses lunettes de façon élégante.
- Bon, voilà le topo, fit-elle. Je suis une agent d'assurances embauchée par un milliardaire qui a été volé. Celui-ci, ayant appris la mauvaise fortune de Banks, m'a envoyée pour obtenir des renseignements sur le livre volé, ainsi que sur la police d'assurance utilisée, etc... Vous êtes mes « assistants ». Mes gardes du corps, quoi... On est bien d'accord ?
Alex s'esclaffa.
- Aucune chance qu'il gobe un truc pareil !
- En effet, intervint Indy, mais ce n'est pas le but. S'il est impliqué, il ne pourra pas prendre le risque de se dévoiler. Il sera obligé de donner le nom du livre et de se comporter comme si Lara était vraiment ce qu'elle aura prétendu être !
- J'ai rien compris.
- Pas grave ! Allez, feu !
Lara agrippa son attaché-case et sortit de l'hôtel, suivie par ses deux amis. Ils s'étaient débrouillés pour être le plus près possible de la tour de bureaux du richissime magnat de la presse. En l'occurrence, ils n'eurent qu'à traverser une immense avenue avant d'entrer dans le bâtiment de verre. D'un pas décidé, Lara se présenta à l'accueil, devant une hôtesse qui respirait l'amour de son métier.
- Miss Croft, fit-elle d'un ton sévère, à peine forcé tellement elle ressentait une antipathie spontanée envers l'hôtesse. J'ai appelé pour voir M. Banks.
- Un instant, je vous prie, répondit la jeune femme.
Elle décrocha le combiné de son standard téléphonique et appuya sur une touche.
- Karen ? fit l'hôtesse. C'est Julia. Ca va ? Oui... Oui... Oh, m'en parle pas ! Quoi ?... Si, hier ! Faudra que je te raconte ça, c'était incroyable !... Oui... tu m'étonnes !... Ah, tu vois ? J'en étais sûre ! Je te l'avais pas dit ?... Hein ?... C'est clair... Tiens, tu connais pas la dernière ?... Il parait que... AAHH !
L'hôtesse sursauta, lâchant le combiné de peur : Lara venait de poser sa mallette sur le comptoir en la claquant si fort que toutes les personnes présentes dans le hall se retournèrent vers l'accueil. Le silence se fit. Lara affichait un air neutre, mais regardait l'hôtesse droit dans les yeux. Le message étant extrêmement clair, la jeune femme ramassa le combiné.
- Karen ? J'ai Miss Croft pour le patron. Elle dit avoir rendez-vous... Très bien, merci.
Elle raccrocha et se tourna vers Lara avec appréhension.
- Je dois vous demander une pièce d'identité, madame, fit-elle timidement.
Sans décrocher une seule parole, Lara sortit son faux passeport, au nom d'Angelina Croft. Bryce le lui avait fabriqué, au cas où. Bien sûr, elle n'avait pas pris le risque de rentrer dans un pays étranger avec un faux passeport. Mais dans ce cas précis, une hôtesse d'accueil terrorisée était beaucoup moins regardante que les douaniers australiens. D'ailleurs, la jeune femme ne regarda même pas le passeport, et se contenta de tendre un badge « visiteur » à Lara, en échange.
- M. Banks vous attend, madame, fit-elle. Prenez l'ascenseur quatorze et montez au dernier étage. Bonne visite.
Elle ne reçut aucun remerciement. Lara jeta un coup d'oeil à ses deux amis, attendant dans le hall, puis se dirigea vers les ascenseurs.
Lara déboucha au 84ème étage dans un couloir chic et sobre, agrémenté de moquette épaisse au sol et de tableaux sur les murs. L'endroit respirait la solennité, et Lara avança un peu moins sûre d'elle. Elle déboucha dans un petit bureau sobre, où elle trouva la secrétaire particulière - Karen - et un vigile assis sur une chaise, feuilletant un journal.
- Miss Croft, je suppose ? demanda la secrétaire.
Lara acquiesça d'un hochement de tête.
- Il vous attend.
Elle désigna la lourde porte à double battant, que le vigile ouvrit. Elle entra dans le bureau d'un pas décidé, mais sursauta quand la porte se referma violemment derrière elle.

Ce qui servait de bureau au magnat de la presse aurait presque pu servir de gymnase dans un collège anglais. La pièce avait des proportions hallucinantes, et la « table » en prenait une bonne surface. Derrière ce bureau hors normes se trouvait Stevenson Banks, un bel homme d'une petite quarantaine d'années, vêtu d'un costume à la coupe impeccable, car sûrement hors de prix. Derrière lui se trouvait une jeune femme, probablement chinoise, d'une vingtaine d'années, qui aurait pu être très jolie si elle savait sourire. En la voyant, Lara eut un frisson incontrôlé, une sensation désagréable, presque viscérale. Elle ne mit pas longtemps à analyser ce sentiment : elle se trouvait devant la voleuse qui lui avait cassé le bras. En un instant, Lara comprit que Banks savait qui elle était réellement, et ne serait donc pas dupe. Comme Alex l'avait prédit, il était quasiment impossible, de toute façon, de faire avaler une telle couleuvre à un homme tel que le magnat de la presse australienne. Mais Lara ne pensait pas partir perdante avant de commencer. Evidemment, elle ne pouvait plus reculer, et décida donc de jouer la comédie qu'ils avaient préparée. Sans trahir une seule émotion, elle s'avança vers le bureau : la guerre des nerfs pouvait démarrer.
- Miss Angelina Croft ! fit Banks, amical. Vous me pardonnerez si je ne me lève pas pour vous accueillir.
Lara regarda le fauteuil roulant que lui désignait le magnat, et sur lequel il était assis. Elle acquiesça en silence.
- Prenez un fauteuil, chère amie, et mettez-vous à l'aise. Vous désirez quelque chose à boire ? Un thé ?
- Whisky, répondit-elle sans hésiter.
- Je n'en doutais pas une seconde.
Il sourit et fit un petit geste à la chinoise derrière lui. Celle-ci quitta Lara des yeux pour s'approcher du bar, dans un coin de la pièce. L'animosité entre les deux femmes était presque palpable.
- Je vous présente Ling Li, dit Banks, qui visiblement s'amusait de la tension. C'est ma garde-malade, mon bras droit, bref, ma « femme-à-tout-faire ». Elle m'est indispensable.
- Elle a l'air d'avoir un tas de talents cachés, en effet... confirma Lara.
Banks savoura l'ironie sous-jacente en hochant la tête.
- Votre état... reprit Lara. Accident de voiture ?
- Mine anti-personnel, répondit-il en soulevant une jambe vide de son pantalon. Souvenir de mes débuts en tant que grand reporter.
- Je vois... Je me suis cassée le bras, récemment...
Lara faillit se mordre les lèvres de regrets : l'attaque était bien trop directe. Heureusement, Banks ne sembla pas relever. Pas plus que la chinoise, qui revenait avec le verre de whisky.
- Alors dites-moi, Miss Croft : que me vaut le plaisir de ce rendez-vous ?
Lara sirota quelques gorgées du breuvage. Elle venait de prendre une grave décision, la même qu'avec le jeune stagiaire de Tokyo : dire la vérité.
- Et bien je suis la fille d'un Lord anglais, qui possède dans son manoir une belle collection de livres anciens et rares. Hors on a volé un de ces livres. Fait encore plus étonnant, d'autres ouvrages ont été volés en même temps, un peu partout sur la planète. Dont un chez vous, M. Banks.
- C'est exact, et alors ?
- Alors je cherche un lien entre ces différents vols, donc ces différents livres.
- Je ne veux pas parler au nom des autres, mais mon livre n'a aucun lien avec les autres.
- Vraiment ? Quel est ce livre ?
- Un livre sans aucune valeur marchande. Juste sentimentale.
- Je vous demandais son titre. Est-ce indiscret de vous le demander ?
- Non, pas du tout. Il s'agit d'un vieil exemplaire d'une des aventures de Babar, que j'ai avec moi depuis mon enfance. C'était une version standard, donc sans aucune valeur pour les collectionneurs.
Lara serra les dents, sous l'effet de la colère. Banks se moquait ouvertement d'elle, avec un aplomb qui rendait impossible toute réponse cinglante. Ils se toisèrent un moment, le magnat de la presse répondant par un petit sourire au regard pénétrant de la jeune femme. Elle termina son verre.
- J'ai dû faire fausse route, alors... fit-elle en rendant le verre à la chinoise.
- Certainement, oui, j'en suis désolé.
Lara prit une profonde inspiration et se leva. La chinoise s'approcha aussitôt de la double porte.
- Je ne vous raccompagne pas, Miss Croft, fit Banks.
- Inutile en effet. Au plaisir...
- Bien entendu.
Elle lui tourna le dos après un dernier regard et sortit. Ultime humiliation, la chinoise la raccompagna jusqu'à l'ascenseur, et resta jusqu'à la fermeture des portes. Elle déboucha furibonde dans le hall d'entrée. En la voyant arriver, Indy et Alex se consultèrent du regard, puis la suivirent sans un mot. Aucun d'eux n'osa interroger la furie qui quittait la tour. Ils retournèrent jusqu'à leur chambre d'hôtel, où Lara put enfin laisser exploser sa frustration.
- Il s'est foutu de ma gueule ! hurla-t-elle en défaisant rageusement son chignon. J'l'ai senti, c'était cette salope ! J'ai dû jouer franc jeu, il sait, maintenant ! C'est lui ! Et pourtant il est para' !
- Euh, Lara... réussit à intervenir Indy.
- Quoi ?? Vous n'êtes pas d'accord ??
- C'est pas ça, mais...
- Tu ne te rends pas compte de ce que tu fais quand tu es en colère, continua Alex en souriant.
Lara le foudroya du regard, puis comprit soudain : elle avait commencé à se changer et se trouvait maintenant en culotte et soutien-gorge devant ses amis. Sa colère se transforma en fureur.
- Et alors ??? hurla-t-elle. On couche ensemble, non ? Et Indy a cent ans, il a déjà vu des nanas à poil, je suis sûre !
Sans attendre de réponse, elle se rua dans la salle de bains et claqua violemment la porte derrière elle. Les deux hommes restèrent un moment silencieux.
- T'as compris quelque chose, toi ? demanda Alex.
- Non. Mais on aura le temps de savoir une fois qu'elle sera calmée !

***

Pour la seconde fois en moins d'un an, Lara Croft débarqua à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Pas spécialement amoureuse de la France, encore moins des français, elle aimait beaucoup Paris. A tel point qu'elle se permettait de visiter le Louvre en nocturne. Cette fois, elle venait dans la plus belle ville du monde pour une visite parfaitement légale. Elle sortit du terminal et entra dans un taxi.
- A la bibliothèque François Mitterrand, s'il vous plait, dit-elle en français, avec son fort accent anglais.
Le chauffeur la regarda intensément dans son rétroviseur. Et pas que dans les yeux. Lara le classa d'office dans les français « lourds ». Tout le monde ne pouvait pas être Beauchamps. Le taxi démarra et avant qu'il ne s'engage sur l'autoroute menant à Paris, Lara somnolait déjà. Les voyages et le décalage horaire commençaient à se faire ressentir. Elle se réveilla lorsque le taxi quitta prématurément l'autoroute. Elle demanda pourquoi : le chauffeur lui répondit une phrase incompréhensible pour une non-francophone. La jeune femme le soupçonna d'utiliser sciemment de l'argot. Elle se rasséréna quelque peu lorsque le taxi s'arrêta dans une station service et que le chauffeur coupa le compteur : il avait juste besoin de faire le plein. Il sortit. Lara le regarda se diriger vers les caisses, avant de se servir en essence. Il finit par disparaître de son champ de vision. Elle resta seule dans le taxi et commença de nouveau à piquer du nez, bercée par le ronflement de l'autoroute toute proche. Elle lutta pour ne pas dormir et regarda sa montre. Déjà cinq minutes, et le chauffeur n'avait toujours pas commencé à remplir son réservoir. Elle sentit la colère monter en elle quand elle remarqua un détail loufoque : les clefs étaient encore sur le contact. Etonnant qu'il n'en ai pas besoin pour ouvrir le réservoir, mais ça restait plausible. Néanmoins prise d'un doute, elle se pencha en avant et tourna la clé. Le tableau de bord s'alluma et l'aiguille du niveau d'essence sauta jusqu'à son maximum.
- Tu t'arrêtes dans une station service alors que ton taxi n'a pas besoin d'essence et qu'en plus, tu es en pleine course... murmura-t-elle.
Soudain prise d'un doute, elle attrapa ses affaires et sortit du taxi. Elle s'en éloigna en courant, juste à temps : la voiture explosa, emportant avec elle toute la station essence. Lara fit un bond d'une bonne dizaine de mètres, projetée par le souffle de l'explosion. Groggy, elle se releva difficilement pour constater que les flammes n'allaient pas tarder à atteindre les réservoirs d'essence. Elle repartit en courant dans la direction opposée. La seconde explosion, plus forte, la coucha de nouveau. D'intenses volutes noires s'élevaient dans le ciel. Elle se remit debout et s'épousseta en regardant le paysage apocalyptique qui s'offrait à elle. Puis, en soupirant, elle décrocha son portable.
- Indy ? Tu devineras jamais quoi...

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