Ce qu'aurait dû être Next Generation, ou la réponse à l'article de Laura Croft, par Chester Copperpot, le 27 avril 2005.
Scénaristiquement envoûtant
D'aucuns nous le dirons - à l'instar de mademoiselle Laura Croft dans son article de la tribune il y a trois ans - le charme et l'essence de Tomb Raider résident dans le premier épisode. Qui n'a pas frissonné, voire même crié en entendant les pas sourds des tyrannosaures, dans la vallée perdue? Qui, en entrant dans la tombe de Qualopec, n'a pas retenu son souffle devant ces longs couloirs sombres et silencieux? C'est ainsi que Tomb Raider Next Generation aurait dû être conçu : Tomb Raider - pilleur de tombes - c'est un programme en soi. Pourquoi faire circuler Lara dans les rues de Paris, dans les égouts de Prague ? L'Ange des Ténèbres était un régal pour les yeux. Mais ce n'était pas un Tomb Raider. Où sont passés les tombeaux inexplorés, les animaux sauvages, la jungle luxuriante et oh combien périlleuse? Je n'ai pas frissonné auprès de Lara à ce moment-là comme j'ai frissonné dans les tombeaux du Pérou, les catacombes tibétaines ou les temples égyptiens. Le silence oppressant, les pas silencieux dans le sable ou la neige, le regard scrutant les alentours à la recherche de l'ennemi potentiel, les mains ouvertes, prêtes à saisir les pistolets au moindre bruit suspect, le coeur battant à tout rompre... Voilà ce qui manquait dans le dernier volet. Je l'avoue tout net : Tomb Raider m'envoûte ! Pas par le charme de son héroïne - pas seulement - mais par les lieux explorés. C'est la première chose, le premier et principal manque des deux derniers opus: je veux parcourir le monde avec Lara.
Mythologiquement cohérent
Avant de s'attarder sur les événements tragiques ayant traversé la vie de Lara, revenons un instant sur le fil des Tomb Raider: 1996, 1997, 1998... premier hic: le troisième volet, malgré des débuts prometteurs, bugge et déçoit par son manque d'innovation, sa difficulté et ses bugs. Les voix des détracteurs enflent: Tomb Raider III marque la fin de la série!!! Core Design en prend du plomb dans l'aile et de la graine par la même occasion: retour aux sources! clament les fans. Retour aux sources! s'écrient les frères Smith.
1999. Retour aux sources il y a donc, pour une très longue aventure se déroulant sous le soleil égyptien. Peu d'innovations, mais un scénario tellement prenant que le succès ne se fait pas attendre. Qualifié d'aboutissement, la Révélation Finale voit aussi la fin de Lara. Pour finir sur une bonne note sans doute...
C'était compter sans la pression des fans, à nouveau. Lara morte? Impossible! Des voix s'élèvent à travers le monde et se font entendre: Tomb Raider ne mourra pas. Et Core de réfléchir à un moyen de ressusciter la morte. Difficile, très difficile, d'autant que la pression se fait de plus en plus forte: les fans veulent en savoir plus sur Lara, ils veulent plus de diversité dans les lieux explorés, des énigmes faciles et un jeu pour les fêtes. Marketting oblige.
2000. Le jeu, réalisé à la va-vite en tentant de contenter tout le monde, sort pour Noël. Sont comprises 4 aventures passées et rien sur Lara Croft: est-elle morte/vivante/portée disparue? Pour tenir le public en haleine et faire taire les contestataires, Core réplique: Wait & See; car sont incluses en bonus les premières images de ce qui devra se révéler LE retour de Tomb Raider : l'Ange des Ténèbres. Mitigés, mais enthousiastes, les fans patientent, patientent et patientent encore. Core Design fait de belles promesses, encore. Et annonce une révolution. Encore. Un nouveau moteur, des nouveaux mouvements, une nouvelle Lara. La pression des fans se renforce: le jeu devait sortir en novembre 2002. Il est reporté au printemps 2003. Puis à l'été.
Juin 2003. Le jeu sort, et révolution il y a, mais guère dans le meilleur sens du terme. Qu'est-il arrivé à la pilleuse? Où sont passés ses amis? Son manoir? Ce qui était sa vie d'avant? Le site officiel livre quelques détails. Mais la nouvelle Lara a changé, incontestablement. L'aventurière baroudeuse s'est métamorphosée en prédateur des villes, arpentant les rues désertes à la recherche de peintures maléfiques, pour venger la mort de son vieil ami et mentor. Mais où est Lara? Que lui est-il arrivé? Où est notre retour aux sources? clament les fans. L'Ange des Ténèbres est une trilogie, les volets suivants répondront à vos questions, promet Core. Sauf que cette fois, les notes sont tellement mauvaises qu'Eidos met le holà. Terminé pour Core, Tomb Raider file chez la poule aux oeufs d'or du moment: Crystal Dynamics. Personne là-bas ne s'y connaît en Tomb Raider? Qu'à cela ne tienne : l'équipe fait contre mauvaise fortune bon coeur et s'investit à 200% dans le mythe Tomb Raider. Nous leur souhaitons bien du courage et surtout beaucoup de réussite...
Revenons sur l'erreur de Core: considérer Lara comme une vache à lait. Un jeu par an, un rythme très haut, difficile à soutenir quand les idées ne suivent pas. Mettre Lara entre parenthèses à la fin de la Révélation Finale était sans aucun doute une bonne idée. Résister à la pression de fans et éviter Tomb raider 5 aurait été la suite logique. Mais la menace de nouveaux jeux, de nouveaux studios, de nouvelles consoles et un nouveau marché qui s'annonçaient a fait souffler un vent glacé dans les couloirs de Core Design. Qui, du coup, a voulu offrir le mieux qu'il pouvait tout en se dépêchant: une aventure bâclée et sans fil conducteur. Ce que l'Ange des Ténèbres aurait dû ramener d'abord, c'était la cohérence: comment Lara s'en était-elle sortie en Egypte? Cohérence toujours: Lara a-t-elle abandonné son activité de pilleuse? Cohérence encore: comme pour tout un chacun, la vie de Lara avance. Elaborer un jeux sur ses aventures passées était amusant, mais et l'avenir alors? Devoir attendre 3 ans pour finalement ne rien apprendre était frustrant.
Graphiquement séduisant
Ce qui pour moi a toujours caractérisé les aventures de Lara Croft, c'est l'exotisme et l'aventure. Si la seconde est assez présente dans L'Ange des Ténèbres, ce n'est pas le cas du premier. Dans ce sixième volet, je n'ai parcouru que des ruelles obscures, des égoûts glauques et des entrepôts gigantesques. Tenter le style Metal Gear Solid avec Lara n'était pas la chose à faire. Elle a encore tant d'endroits à explorer, tant d'artefacts à découvrir. Que serait Lara sans les déserts, les cavernes et les épaves englouties? Une Lara sous le soleil, voilà ce que je demande ! Des ruines, de l'exploration, des enquêtes pas trop compliquées dans des lieux enchanteurs ! L'univers de l'Ange des Ténèbres était noir, gothique, sanglant. Ce n'est pas ce qu'il fallait à Tomb Raider. Si je pêche bien par un point c'est celui-ci : je veux être séduit, autant par l'héroïne que par ce qu'elle explore. Et je l'admets sans ambages: les décors de Tomb Raider 6 étaient oppressants, mais aussi désagréables. Ils n'avaient pas le charme d'un temple de Xi'an, d'un palais de Cléopâtre, ni même d'une île irlandaise. L'exploration que je chérissais tant, m'attardant plus que de raisons dans les coins et recoins, je l'avais déjà perdue dans Tomb Raider 5. Je ne l'ai pas retrouvée dans l'Ange des Ténèbres. Cela m'a manqué.
Héroïquement charmant
"Du réalisme!" demandait mademoiselle Laura Croft. Des bruits, des séquelles. Une Lara marquée par ce qu'elle traverse. C'est cela qui manque à la Lara de toujours. "Bâiller si elle s'ennuie", comme le prince de Perse. "Davantage de cinématiques entre les scènes". Cela, on ne peut le reprocher à l'Ange des Ténèbres. Bâclé, certes. Peu clair au niveau du scénario, aussi. Mais les cinématiques ont été nombreuses, et, je le reconnais, pour mon plus grand plaisir. De l'interactivité! "Elle devrait amasser de l'argent" disait Laura Croft en 2002. Les dieux Core et Eidos l'ont-ils entendue? Toujours est-il que Lara amasse un certain pécule dans l'Ange des Ténèbres. Sans pourvoir rien en faire. Encore un manque laissant une impression de travail bâclé.
Mais venons-en à l'argument principal de ce paragraphe: Lara Croft. La seule et l'unique, qui a fait couler plus d'encre virtuelle et réelle qu'aucune autre héroïne cybernétique et que beaucoup d'autres héroïnes tout court. Critique de l'après Ange des Ténèbres: "Lara est magnifique" disent les uns; "ce n'est plus Lara" disent les autres. A nouveau Core a commis une erreur: en voulant ménager la chèvre et le chou, on ne provoque que plus de mécontentement. Frileux, Core n'a jamais voulu pousser Lara trop loin, elle est restée la même... trop longtemps peut-être. La Lara apportée par l'Ange des Ténèbres a marqué un cap décisif, mettant Eidos au pied du mur: garder la Lara Croft de Tomb Raider 1 est impossible, en faire un personnage trop différent non plus. Ce qu'il faudrait, c'est une nouvelle Lara, évoluée, mais cuisinée à la sauce Tomb Raider. Comprenez: une aventurière, au sens premier du terme. Pas une aventurière des rues comme a tenté Core. Eidos a fini par comprendre que ce ne serait pas ce studio qui y arriverait, malheureusement. Au bout de six épisodes ayant chacun apporté leur "plus" à Lara, le studio s'est essoufflé et son héroïne fait du sur-place. Il fallait changer, évoluer, en un mot : oser. C'est désormais chose faite : la nouvelle Lara a davantage le goût de Tomb Raider 1 que toutes les autres réunies. Sans Core Design derrière elle. Et, croyez-moi, je n'aurais jamais cru le dire un jour, mais c'est tant mieux !
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