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L'école

L'école, Chapitre 19, par Pitoch, le 15 décembre 2003.

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Chapitre 19

La fillette, d'environ six ans, était vétue d'une robe blanche toute simple, unie. Elle était pieds nus, mais ceux-ci ne semblait pas accrocher la poussière et la saleté du sol. Elle marchait d'un pas normal, mais avec une lenteur infinie. Le monde semblait tourner au ralenti. Une fois face au monstre, la petite fille se tourna vers Lara et sourit. Alex West, au meilleur de sa forme, aurait dit que la gamine avait avalé une lampe torche tellement ce sourire illumait la caverne. Sans comprendre pourquoi, Lara se mit à pleurer. Des larmes de bonheur, de joie, de sérénité. La fillette revint vers elle et l'emmena vers ses compagnons. La douceur de cette petite main dans la sienne lui donna des frissons. L'enfant sourit une nouvelle fois à Lara et repartit devant le monstre. Lors de son retour, plusieurs zombies se jetèrent sur elle. Ils disparurent immédiatement au premier contact. Lara tenta d'essuyer ses larmes.
- C'est ce que je crois ? demanda-t-elle à ses amis. Qui je crois ?
Elle n'obtint pas de réponse. Un regard, et elle constata qu'ils pleuraient également. Finalement, Henry retira ses lunettes, sortit un mouchoir, s'essuya les yeux puis les verres. Il les réajusta sur son nez et regarda la jeune femme.
- En effet, Lara, répondit-il enfin. Cette petite fille douce, c'est Dieu.
- Nous sommes sauvés, alors ? demanda-t-elle.
- Non, pas encore. Dieu a des pouvoirs limités, ici. C'est un fief du Malin ! (En souriant) les évènements récents ont du mettre à mal un certain nombre de vos convictions, Lara, non ?
- On peut dire ça...
- Regardez ! intervint Indy.
Dans une explosion de flammes, le monstre venait de tomber à genoux, et se replia sur lui-même. Toute sa masse devint alors informe et quand le feu s'éteignit, le petit garçon aux yeux rouges était de retour. Il faisait quelques centimètres de plus que la petite fille, et ils se toisaient du regard sans un mot. De nouveau, le temps sembla s'arréter. Lara se surprit même à retenir sa respiration, et elle expira le plus silencieusement possible.
- On dirait que les deux ennemis ancestraux se combattent spirituellement... souffla Lara.
- Dieu et Satan ne sont pas ennemis, Lara, répondit Indy sur le même ton.
La jeune femme regarda son ami avec un air de surprise.
- Ce sont des notions théologiques assez complexes, reprit Indy.
- Pour faire court, renchérit son père, disons que Dieu et le Diable ne sont pas ennemis car essentiels l'un à l'autre. Ils sont complémentaires. Que serait le Paradis si l'Enfer n'était pas là pour recueillir les âmes non méritantes ?
Lara était abasourdie, principalement parce qu'elle se rendait compte à quel point Henry avait raison. Elle reporta de nouveau son regard sur les deux enfants. Ils ne se combattaient pas silencieusement. Ils négociaient. Elle fit aussitôt part de sa conclusion.
- Il ne faut pas exagérer, Lara ! la reprit le vieux Jones. Ils ne sont pas copains comme cochons ! Ce que je voulais dire, c'est que Dieu et le Diable ne se détruiront jamais mutuellement, puisqu'ils ont besoin l'un de l'autre. Ca ne veut pas dire qu'Ils s'apprécient et qu'Ils considèrent l'humanité comme de la simple marchandise.
- Pourtant ce n'est pas l'impression qu'Ils donnent, remarqua la jeune femme.
- Disons qu'Ils ont chacun leur territoire. Si l'un d'eux intervient dans la zone neutre - la Terre -, l'autre l'en empéche. C'est exactement ce qu'il se passe ici. La fourberie de Satan fait qu'il tente régulièrement de s'approprier toute la zone neutre.
Lara était pendue aux paroles du vieux Jones. Elle était finalement complétement perdue, complétement dépassée par les évènements. Henry s'en rendit compte et posa sa main ridée sur la joue douce de la jeune femme. L'espace d'un instant, Lara ferma les yeux et apprécia le contact quasi-paternel de cette main ferme et caleuse. Elle respira profondément et calmement. Elle oublia où elle était, dans quelle situation elle se trouvait. Elle se sentit redevenue une petite fille, calmée par la présence rassurante de son père. De nouvelles larmes montèrent à ses yeux.
- Ca bouge, intervint soudain Indy.
Lara revint brusquement à la réalité. Elle réouvrit les yeux, refoula ses larmes, tandis qu'Henry retirait sa main. La petite fille et le petit garçon étaient toujours face à face, mais les « troupes » de Satan se mettaient en mouvement. Les « personnalités » se placèrent derrière le Diable, tandis que les zombies commençaient à se rapprocher et à encercler la petite fille. Sans réfléchir, Lara bondit soudain. Prenant appui sur le dos du mort-vivant le plus proche, elle courut sur la marée de monstres, marchant sur des têtes et des épaules, en équilibre précaire, évitant des mains crochues qui tentaient de l'agripper. Elle parvint enfin au centre, sauta et, dans son élan, prit la petite fille dans ses bras. Elle la serra contre elle et repoussa les assauts des zombies à grands coups de pieds. Submergée par le nombre, elle s'accroupit par terre, en boule, protégeant la fillette de son corps, et fermant les yeux pour ne pas voir l'horreur sans nom qui fondait sur elle. Elle sentit des mains la griffer, l'attraper, la tirer. Elle finit par s'évanouir.

 

Elle se réveilla presque aussitôt, du moins lui sembla-t-elle. Elle se leva immédiatement et, regardant autour d'elle, elle ne put retenir un sourire pale. C'était tel que le monde l'a représenté pendant des siècles : d'un blanc immaculé. La pièce semblait à la fois délimitée et infinie. Même en regardant à ses pieds, Lara avait l'impression de flotter.
- Le Paradis... murmura-t-elle, et sa voix lui parut résonnée d'une manière... étrange.
La petite fille aux pieds nus et à la robe blanche apparut soudain devant elle. Lara la regarda, et comme précédemment, se sentit bien-heureuse. Elle se mit à genoux devant la fillette, d'abord pour être à sa hauteur, mais surtout par pure déférence.
- Je suis morte, Seigneur ? demanda-t-elle, bien que se doutant de la réponse.
Sans que la petite fille n'ouvre la bouche, une voix enfantine d'une douceur infinie entoura Lara.
- Non, tu n'es pas morte. Je t'ai juste retirée de la caverne, car tu allais mourir.
- Si tel était mon destin...
- Pourquoi es-tu aussi triste ? Pourquoi un tel désespoir ?
- Je... J'ai beaucoup perdu pendant cette aventure. On m'a tiré dessus, on m'a paralysée, on m'a droguée, battue... Alex West est mort. Legg et les autres sont revenus. Mes amis sont dans une caverne remplis de zombies, face à l'entrée de l'Enfer. Et Banks, même s'il est mort, a réussi à faire venir le Diable en personne. Alors, je pense que j'ai le droit de désespérer. J'ai vraiment beaucoup perdu.
- Mais tu n'as pas perdu la vie.
- Ca ne saurait tarder...
Lara se tut et baissa la tête, n'osant défier la petite fille du regard.
- Qui es-tu ? demanda une voix à côté d'elle.
Lara tourna la tête. Lentement, apparut Alex, entièrement vétu de blanc. Hormis les mains et la tête, il semblait invisible.
- Qui je suis ? répéta-t-elle.
- Oui, qui es-tu vraiment ? intervint une autre voix, de l'autre côté.
Tournant la tête à l'opposé, elle vit apparaître Chase. Sans un mot, elle reporta son regard sur la fillette, toujours aussi impassible.
- Un tour de passe-passe pour me faire réagir ? demanda-t-elle d'un air de défi.
- Le crois-tu ? dit la petite fille.
- Vous répondez toujours par des questions ?
- N'oublie pas à qui tu parles ! intervint une troisième voix derrière elle.
Elle tourna une nouvelle fois la tête. Lord Croft.
- Papa... dit Lara d'une voix brisée. C'est bien toi ?
Elle résista à une furieuse envie de se jeter dans ses bras et de le couvrir de baisers, comme lorsqu'elle était petite.
- C'est bien moi. Et n'oublie pas comment je t'ai éduquée ! Tu sais qui est cette petite fille devant toi. C'est ton Créateur. Ton Père spirituel. Ton Dieu.
- Alors que dois-je faire ? Comment lutter ?
- Je m'occupe de Satan. Nous avons beaucoup de choses à nous dire, depuis le temps, intervint la petite fille. Toi, tu vas retourner dans la caverne.
- Tu vas y faire ce que tu dois y faire, dit Chase.
- Ce pour quoi tu es la plus compétente, renchérit Alex.
- Quoi que tu fasses, reprit la fillette, sache que tu as Mon Pardon. Ces créatures ne sont plus humaines.
- Mais avant, fit son père, tu dois répondre à cette question : qui es-tu ?
- Qui es-tu ? demanda Alex.
- Qui es-tu ? demanda Chase.
- Qui es-tu ? répéta Lord Croft.

 

Qui es-tu ?
Lara ouvrit les yeux. Elle était de nouveau accroupie au milieu de la caverne, un genou à terre, cernée par l'armée de zombies. Un rapide coup d'oeil, pour constater que le petit garçon aux yeux rouges n'était plus là. Un autre, pour vérifier la présence de Legg, Natla et des autres, tous souriant d'un air mauvais.
Qui es-tu ?
Les zombies s'approchaient de plus en plus d'elle en gémissant, en suintant, en criant. Elle constata qu'elle tenait fermement, dans chaque main, ses uzis fétiches. Elle s'octroya un petit sourire narquois et se leva soudain, bien droite, tête toujours baissée. La promptitude de sa réaction fit stopper la progression des zombies. Lentement, elle releva la tête et regarda Legg droit dans les yeux.
- Qui je suis ? dit-elle à voix haute. Je suis Lara Croft ! LARA CROFT !
D'un geste prompt, elle tendit les bras en signe de croix, bien perpendiculaires, et les ramena devant elle, lentement, les deux index sur la gachette. La première rangée de mort-vivants s'écroula en meuglant, chacun touché par une dizaine de balles. Lara fit un véritable balayage circulaire, fauchant tous les zombies par groupe de deux ou trois. La jeune femme vit Legg et les autres s'éloigner précipitamment avec jubilation. Mais elle ramena vite son attention sur les monstres. La cadence de tir des uzis ne suffisait pas à juguler leur progression, et Lara se retrouva vite aussi cernée que précédemment. Soudain, un puissant jet de flammes venant de l'extérieur du cercle de zombies traça un passage au milieu. La jeune femme vit Henry Jones, à l'autre bout, avec un lance-flammes allumé à la main. Sans hésiter, elle se mit à courir, tentant de sortir de la marée monstrueuse. Près du but, un zombie eut le réflexe de l'attraper violemment par les cheveux, la tirant en arrière et la faisant tomber. Il commença à la trainer par la queue de cheval. Avant que Lara n'ait pu réagir, la lanière d'un fouet s'enroula violemment autour du poignet du mort-vivant en claquant. Une simple traction de la part d'Indy, et la main se détacha du bras. Par un petit saut, Lara se remit debout, tourna le dos à son ami et partit en sauts périlleux arrière, arrosant généreusement le troupeau de zombies à ses pieds. Elle finit par se retrouver au côté de ses amis, les uzis encore fumants. Près de la moitié de l'armée infernale était à terre.
- Pas mal... fit-elle en souriant.
- Tu comptes garder ta nouvelle barrette, Lara ? demanda Indy.
Lara passa la main dans ses cheveux et retira la main tranchée toujours agrippée à sa queue de cheval.
- Berk ! dit-elle en jetant la tas de chair morte à terre.
Elle posa ses uzis, retira l'élastique qui retenait ses cheveux et entreprit de se recoiffer tranquillement, face aux zombies.
- Les femmes... soupira le vieux professeur en la regardant faire.
- F'est comme fa ! sourit-elle, l'élastique dans la bouche. (Refaisant sa queue de cheval) quelle que soit la situation, je me dois d'avoir un certain style, Professeur !
- M'enfin, quand même !
- Imaginez que je sois une star. Comment mes fans me représenteront ? Avec une queue de cheval, un short et des flingues, non ?
- Vous n'êtes pas une star, Lara. Vous êtes un casse-crôute en sursis...
Il désigna les zombies, dont les rangs s'étaient suffisamment resserrés pour donner l'illusion qu'aucun d'eux n'était encore tombé. Indy faisait claquer son fouet sur les plus courageux, qui osaient sortir du rang pour s'approcher.
- Bien, que faisons-nous ? demanda Henry.
Sans répondre, Lara fit un aller-retour jusqu'à la caisse d'armes. Revenue entre ses deux amis, elle fit un grand sourire au vieux professeur.
- Alors, ça, c'est ma partie, si vous permettez ! s'exclama-t-elle en armant son lance-roquettes.

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