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L'école

L'école, Chapitre 18, par Pitoch, le 28 novembre 2003.

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Chapitre 18

En gémissant, Lara se releva difficilement. L'explosion l'avait proprement couchée, et son crâne bourdonnait encore douloureusement. Par coups d'oeil rapides, elle fit le tour de la situation. Banks et sa garde-malade se relevaient également péniblement. Indy aidait son père. Manquaient à l'appel les quatres jeunes femmes et...
- Où est Alex ? cria-t-elle soudain.
Elle tourna la tête dans tous les sens à sa recherche, puis se mit à courir de-ci de-là afin de retrouver son ami. Devant la porte infernale, elle tomba sur le petit garçon aux yeux rouges. Elle se sentit immédiatement nauséeuse. Un tel enfant, mignon et doux, dégageant une telle aura de haine et de violence la rendait malade. Elle reprit le contrôle de son estomac et osa affronter le regard sanguin du garçonnet.
- Lucifer, dit-elle, je veux savoir où se trouve Alex West.
- Pourquoi ? répondit l'enfant de sa voix puissante et sombre.
- Parce que j'y tiens beaucoup.
- L'amour ?
- Oui, l'amour.
- Sentiment humain ridicule, mais ô combien utile pour Moi, constata Lucifer.
Il s'écarta soudain et tendit le bras, désignant Alex assis par terre, conscient mais hébété. Lara se retint de se précipiter et, sans quitter le Diable des yeux, s'approcha doucement de son ami. Soulagée, elle lui attrapa le bras et l'aida à se relever. Ce n'est qu'une fois son ami debout qu'elle osa détourner le regard du garçon pour se tourner vers Alex.
- Ca va, West ? demanda-t-elle. Pas trop secoué ?
- Super, Croft, je pète le feu, gémit-il. Mal à la poitrine...
Il posa la main sur son torse et la ramena poisseuse de sang. Lara, le guidant vers les autres en le soutenant, réagit avec un temps de retard. L'espace d'un instant, le temps sembla figé sur le couple regardant la main ensanglantée, sans comprendre. Lara arracha la chemise d'Alex. Ils purent alors constater le trou sanglant qu'une balle avait fait dans la poitrine du jeune homme. Des flots de sang épais et noirs jaillissaient encore de la plaie béante. Sans un mot, Alex s'écroula, à peine retenu par Lara. La jeune femme se plaça à genoux par terre et posa la tête de son ami sur ses cuisses. Elle posa la main sur la plaie et comprima de toutes ses forces.
- Alex, merde ! gémit-elle. Que s'est-il passé ? Ca va aller, mon amour, ne t'inquiéte pas, je suis là...
D'un geste sec, elle arracha une des manches de son chemisier. Roulant le morceau de tissu en boule, elle tenta de contrôler la plaie béante. Des larmes commençaient à emplir ses yeux comme elle comprenait qu'Alex venait de mourir. Lentement, elle s'arréta d'éponger le sang et osa regarder, mais avec réticence, le visage de son ami. La mort l'avait figé avec un petit sourire en coin. Lara le serra dans ses bras et pria en silence. Ce faisant, elle sortit le revolver glissé dans la ceinture d'Alex qu'elle avait senti contre sa cuisse peu avant. Elle posa tendrement ses lèvres sur celle de son homme, lui caressa doucement la joue, puis le déposa sur le sol. Elle ne pleurait pas. Elle n'avait que trop pleuré lors de cette aventure. Elle se sentait si vide et si lasse, après toutes les épreuves qu'elle avait enduré. Elle contempla l'air serein d'Alex, et lui ferma définitivement les yeux. Avec un petit sourire pâle et un regard débordant de tendresse, elle lui donna un dernier baiser. Quand elle se redressa, son regard était devenu dur et froid. Le revolver bien en main, elle s'approcha de Banks. Henry s'interposa aussitôt.
- Non, Lara, c'est une très mauvaise idée, dit-il, reculant comme la jeune femme avançait toujours. Ca ne résoudra rien. Il...
Le vieux professeur ne finit pas sa phrase. Captant le regard glacial de Lara, il comprit que ces paroles étaient inutiles. Il s'écarta donc, laissant la jeune femme continuer sa marche en avant. Banks la regardait approcher avec un certain amusement dans les yeux.
- Miss Croft, je vous sens en colère, fit-il en ricanant. Il ne faut pas que...
Banks ne termina pas et s'écroula, mort sur le coup. La balle avait fait un joli trou au milieu de son front. Lara baissa son revolver et regarda le cadavre presque sans le voir. Elle jeta l'arme au loin.
- Voilà, tout est terminé, dit-elle tristement.
- Terminé ? s'exclama Henry. Rien n'est terminé, Lara. C'est maintenant que tout commence !

Sur les dix élèves descendus face à Satan ne restaient que quatre d'entre eux. Les Jones, père et fils, Lara Croft et Ling Li. Quatre jeunes femmes disparues, Alex West et Stevenson Banks morts.
- Nous en sommes à un mort de chaque côté, Lara, remarqua la jeune asiatique.
Lara se retourna vivement, surprise d'entendre le son de sa voix pour la première fois.
- Un homme bon contre une ordure nazie, ça reste déséquilibrée, répondit Lara.
- Stevenson n'était pas un homme foncièrement mauvais.
- Remarque étonnante de la part d'une femme qui est loin d'être dans les standards aryens.
- Peu importe ce que vous pensez de mon comportement, Lara.
- Dommage, je pense que vous faites fausse route, Ling.
- Peut-être... Mais je reste en accord avec moi-même. (Ling retira son blouson et le laissa tomber à ses pieds) Jusq'au bout !
- Otez-moi d'un doute, Ling. Etes-vous celle qui est venue cambrioler ma demeure ?
- Je serais moins gentille cette fois...
Sans quitter la jeune chinoise des yeux, Lara s'approcha de la caisse d'armes. Elle y trouva ce qu'elle cherchait : son sac à dos. Elle en sortit sa tenue fétiche. Elle enfila le petit short marron et retira la jupette de collégienne. Elle enleva son chemisier déchiré et le remplaça par son haut vert. Socquettes et mocassions furent également remplacés par ses rangers. Enfin prête, elle se tourna vers Ling. D'un coup d'oeil, elle repéra ses amis. Henry étudiait l'immense portail, Indy s'était agenouillé auprès du corps d'Alex. Rassurée par le fait qu'ils n'interviendraient pas, Lara revint à la jeune chinoise.
- Hélas pour vous, Ling, ça ne se passera pas comme dans le manoir Croft, remarqua Lara.
- Une seule façon d'en être sûre...
En criant, les deux jeunes femmes se jetèrent soudain l'une sur l'autre. Les coups pleuvaient à une vitesse hallucinante : pieds, poings, genoux, coudes, tout était employé pour tenter de frapper l'autre. Dans un véritable ballet, les deux jeunes femmes se battaient, l'une parant les coups de l'autre. Après une première passe de près de trois minutes, elles s'éloignèrent l'une de l'autre. Essoufflées, mais intactes. Aucun coup n'avait atteint leur but, de part et d'autre. Elles se toisaient du regard lorsque des bruits inhabituels et écoeurants attièrent leur attention vers la porte. Celle-ci s'était réactivée et vomissait des flots d'âmes torturées, qui prirent consistance sous forme de cadavres animés. Les morts-vivants investirent rapidement la caverne, capturant et immobilisant les Jones, puis atteignirent les deux jeunes femmes avant qu'elles aient pu réagir. Les cadavres gémissaient, mugissaient. Des os craquaient à chaque mouvement. Certains avaient la machoire qui pendaient, d'autres les bras dans des positions diverses. Ils manquaient des yeux ici, des bouts de peau, voire de chair là.Une vision d'horreur, d'apocalypse. Une vision de l'Enfer. Le silence se fit soudain, et le petit garçon aux yeux rouges apparut au pied des escaliers.
- Amenez-moi la Porteuse ! ordonna-t-il de sa voix puissante.
Aussitôt, deux cadavres attrapèrent Lara par les bras. Le contact de la chair morte et froide sur sa peau nue lui donna un frisson de dégoût. Bien qu'ennemies, ou plutôt adversaires un temps avant, Ling intervint pour la libérer. D'un violent coup de pied lancé, la jeune chinoise décapita l'un des cadavres, dont la tête roula au loin dans un bruit visqueux. Lara fit un petit mouvement circulaire pour se débarasser de l'autre, mais leurs petits camarades commençaient déjà à les encercler. Elles ne purent que se rendre, submergées par le nombre. Lara, encadrée par deux nouveaux mort-vivants, fut trainée de force vers la porte et Lucifer. Celui-ci leva les yeux pour la regarder en face.
- Notre Etreinte sera observée, Porteuse, dit-il.
- Génial, j'ai toujours révé d'être regardée ! s'exclama-t-elle.
- Alors, tant mieux. Je pensais que ça te dérangerait...
- Qui aurait crû que le Diable ne comprenait pas l'ironie...
Elle leva les yeux vers la porte enflammée comme celle-ci se mettait en branle. En sortirent alors plusieurs personnes que Lara ne connaissaient que trop bien.
- Miss Legg, présenta le garçonnet au fur et à mesure. Miss Natla. Bartoli. Donovan. Belloq.
Lara ne connaissait pas les deux derniers personnages, mais un regard vers Indy l'éclaira aussitôt. Toujours tenue par les deux zombies, elle vit approcher Miss Legg.
- Chère Lara Croft ! dit-elle en souriant. Quel plaisir de vous revoir !
- Je n'arrive pas à en dire autant, Legg, répondit la jeune femme.
- Vous êtes toujours aussi belle. Radieuse. Douce.
Legg tendit la main et caressa tendrement la joue de Lara. Comme la jeune femme s'y attendait, le contact était froid et désagréable.
- Toujours ce regard flamboyant, également... continua Miss Legg.
- Il suffit ! intervint Satan. Amenez-la Moi, maintenant !
Le ton employé ne souffrant d'aucune contestation, Legg s'écarta et les zombies poussèrent Lara en avant. Le petit garçon se mit alors tout nu, jetant ses vétements derrière lui. Lara haussa un sourcil d'étonnement. Lucifer avait l'apparence physique d'un garçon de huit ans.
- Y'a pas comme un problème ? osa demander Lara. Je veux dire, pour la reproduction, certaines choses doivent être plus... développées !
Suivant le regard de la jeune femme, Lucifer regarda son entre-jambre, releva la tête et sourit.
- Tu as raison, Porteuse. J'avais oublié cet état de fait, dit-il.
Le petit garçon disparut brusquement. Le brouhaha des zombies reprit, comme libéré par le départ de leur Maître. Mais Lara était toujours fermement tenue captive. Legg s'approcha et se pencha sur elle.
- Tu vas regretter le petit garçon, Croft, ironisa-t-elle.
- Ben voyons...
La caverne se mit soudain à trembler, d'un grondement sourd et lugubre. Les flammes de la porte dansèrent sporadiquement, comme dotées soudain de leurs propres vies. Deux mains griffues gigantesques émergèrent de l'Enfer, agrippant les montants de la porte. Chaque doigt, noueux et immonde, devait mesurer dans les deux mètres. S'aidant de la porte en la raclant et en écrasant les visages terrifiés du cadre, l'être le plus abominable que Lara ait jamais vu sortit péniblement. Il était trop grand pour la porte, mais réussit néanmoins à entrer entièrement dans la caverne.
- Très réussi, murmura Miss Legg. Tu vas te régaler, Croft
- Si tu veux prendre ma place, te gêne pas, répondit la jeune femme, maintenant terrifiée.
- Oh non, je t'en prie. De plus, rien ne peut te sauver, maintenant.
Elle avait raison. Dieu qu'elle avait raison. Lara savait que, tenue par des zombies inhumains et prête à être offerte au Diable en personne, elle n'avait aucune chance d'en réchapper. Si la mort ne l'effrayait finalement pas, l'idée de tourments éternels ne la réjouissait que moyennement. En rugissant, la nouvelle incarnation de Satan se rappela à son bon souvenir. Le monstre - comment l'appeler autrement ? - ressemblait à peu près à la représentation que l'on se faisait du Diable : d'apparence humanoide, il était vouté, tordu, noué. Son visage, ou plutôt sa gueule, était recouvert de cornes sanglantes. Son corps ne semblait pas avoir de réalité physique. Il semblait être intangible, entièrement en feu. Et surtout, tout en lui exhalait une aura de douleur, de colère, de haine, bref, de mal pur. Lara sentit son estomac se retourner et lutta pour ne pas flancher.
- Te voilà satisfaite, Porteuse ? s'écria le Malin de sa voix tonitruante.
Sa bouche (gueule ?) exhalait une odeur de soufre écoeurante. Lara, maintenant tétanisée par la terreur, n'eut pas la force de répondre et encore moins d'ironiser. Les zombies la lachèrent et s'éloignèrent. La jeune femme était maintenant seule, libérée mais paralysée, debout devant la vision la plus terrifiante qu'elle ait jamais vue. Elle se sentit soudain très calme, sereine. La conviction d'une mort prochaine. Oui, c'était bien ça. Lara s'expliquait sa soudaine sérénité par la certitude qu'elle ne souffrirait certainement pas, puisqu'elle ne survivrait pas longtemps aux ébats d'un tel monstre. Elle se sentait de plus en plus heureuse, et ça commençait quand même à devenir louche. Un tel bonheur, dans une telle situation... Calme et sérénité, c'était possible, voire reconnu. Mais du bonheur ! Le pire, c'est que son bonheur l'empéchait d'être perplexe ou de se poser trop de questions sur cet état de fait. C'est donc une Lara Croft clairement radieuse qui vit une petite fille marcher à côté d'elle, la dépasser et se planter calmement devant la bête.

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