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L'âge de glace - Director's Cut

L'âge de glace - Director's Cut, Chapitre 10, par Pitoch, le 18 janvier 2006.

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Chapitre 10

Indy arriva à Heathrow, l'aéroport international de Londres, après cinq heures de vol particulièrement épuisantes. Il avait lu et relu ses notes, résultat de deux jours de recherches laborieuses. Il savait maintenant qu'il fallait se présenter devant les portes d'Asgard avec une femme vierge et pure, brandir la lance et, une fois à l'intérieur, la rendre à Odin en personne, sous la bonne garde de Walkyries. Ensuite, ils pourraient demander les ingrédients mythologiques nécessaires pour refaire une laisse à Fenryr, le Loup Géant dont le réveil perturbait depuis une semaine la météo sur l'hémisphère nord. Indy aurait presque pu se décourager devant l'ampleur de la tâche si ce n'était déjà fait par l'annonce que lui avait faite Marcus, cinq heures auparavant : Lara avait été arrêtée pour meurtre. Ce fait l'inquiétait énormément, bien sûr, car il craignait pour sa jeune amie. Mais ce qui le gênait également, c'était cette petite, cette infime partie de son inconscient qui affirmait qu'elle était réellement coupable de meurtre.

***

Lara était appuyée contre la vitre en plexiglas de sa cellule, dans les sous-sols de Scotland Yard. Elle n'était qu'en garde à vue, simplement soupçonnée de meurtre, mais elle se sentait déjà prisonnière. Mentalement comme physiquement. La grande cellule contenait ce que Lara aurait qualifié de rebuts de la société si elle n'était pas du même côté de la serrure. La plupart des femmes présentes étaient des junkies en manque, des vagabondes ramassées ça et là, et des prostituées qui avaient racolé la mauvaise personne. Et Lara. Finalement la pire de toutes les femmes enfermées. Une meurtrière. La jeune femme secoua la tête pour chasser ces pensées atroces et reporta son regard sur l'extérieur. Sur les flics qui vaquaient à leurs occupations. Sur la liberté. Un policier en uniforme s'approcha enfin, ouvrant la cellule.
- Lara Croft ? demanda-t-il.
- C'est moi, répondit-elle.
- Votre avocat vient d'arriver. Suivez-moi.
Elle s'exécuta immédiatement, trop heureuse de quitter ce cube de plexiglas. Le policier l'amena dans une petite pièce nue, certainement dotée d'un miroir sans tain, où l'attendait un vieil homme en costume. Lord Carrew était un avocat de renom, célèbre pour avoir défendu de graves affaires très médiatisées, mais également un vieil ami de la famille Croft.
- Lara, ma pauvre petite, fit-il en serrant la jeune femme dans ses bras.
Elle accepta la franche accolade : si ce vieil homme lui faisait peur étant enfant, il était maintenant son ultime salut.
- Lord Carrew, fit-elle, la voix nouée par l'émotion. Dites-moi tout, je vous en prie.
L'avocat la fit asseoir en face de lui, à la table nue et vissée par terre.
- Ca va être compliqué, ma petite, je ne te le cache pas, commença-t-il d'une voix chevrotante.
- C'est à dire ?
L'avocat ouvrit un dossier et, chaussant ses lunettes rondes, le parcourut rapidement.
- Ce monsieur West a porté plainte pour coups et blessures, et...
- Je ne le nierais pas. Je l'avouerais sans problème. Je veux savoir pour Penny.
- ... et il témoignera à charge, certifiant que tu as réclamé à voir la victime juste avant de l'assommer.
- Ca ne fait pas de moi la meurtrière.
- Non. Certes, non. Mais ce n'est pas à moi d'en décider mais à un jury populaire.
Lara serra les dents.
- Je vais être amenée aux assises ?
- Lara, tu es accusée de meurtre !
- Mais je suis innocente !
Carrew resta silencieux, compulsant ses notes. Il leva régulièrement les yeux sur la jeune femme, sans rien dire. Simplement avec tristesse.
- Si je suis déclarée coupable ? demanda-t-elle enfin.
Carrew soupira : sa phrase lui en coûtait.
- Quinze ans de prison, que je pourrais ramener à dix grâce à ta réputation.
Il avait à peine terminé sa phrase que des larmes jaillirent des yeux de la jeune femme. Serrant les dents, elle pleura un moment en silence. L'avocat resta silencieux.
- Lara, il me faudrait un miracle, reprit-il à voix basse. Retrouver le véritable meurtrier.
La jeune femme releva soudainement la tête, les yeux écarquillés.
- Mais j'ai vu le meurtrier ! s'exclama-t-elle. Un jeune, brun ! Il m'a même menacé de son arme !
L'avocat prit aussitôt de quoi écrire.
- Voilà qui change tout ! Tu peux déclarer ça à l'inspecteur qui procédera à l'interrogatoire. Je l'obligerais alors à lancer un mandat de recherche sur cette personne.
- Mais je ne suis pas libre pour autant...
- Non, Lara, tu devras rester en préventive le temps de l'enquête. Désolé.
- Impossible... Les intempéries vont s'accélérer, le monde va sombrer dans le chaos si je ne l'empêche pas.
- Pardon ?
- Rien. Je parle toute seule.
- D'accord. Peux-tu me décrire cet homme ?
- Assez grand, brun, mignon. Un bouc. Une cicatrice sous l'oeil gauche. Un regard bleu très froid. Vous pourriez prévenir quelqu'un de ma... situation ?
- Bien sûr.
- Docteur Indiana Jones.
- C'est noté. Bien, passons à l'interrogatoire. Ce n'est pas quelque chose de facile. Ils vont mettre la pression pour t'arracher des aveux. Je contrôlerais bien entendu, afin d'éviter les abus, mais ils ont tous les droits, ou presque. Tu es suspectée de meurtre, et ils n'ont que toi sous la main. Ils rêvent donc de te mettre sous les verrous pour très longtemps. De plus, ton standing les fait saliver d'autant. Et puis... la victime était mineure.
Les larmes de Lara remontèrent à ses yeux. Elle les refoula d'un revers de main rageur.
- Je suis prête, fit-elle. Passons à l'interrogatoire.

***

Une cicatrice sous l'oeil gauche. Fine et assez discrète, et pourtant le regard y était invariablement attiré. C'est ce qu'Indy constata quand le jeune homme l'accosta, à l'aéroport de Londres.
- Docteur Jones ? demanda l'inconnu.
- Lui-même. Vous êtes ?
- Kurtis Trent. Je suis enchanté, docteur.
Indy secoua la main que le jeune homme lui tendait avec ferveur. Il ne cachait néanmoins pas sa méfiance : personne ne savait qu'il serait sur ce vol, puisque sa présence en Angleterre résulte d'un fait exceptionnel. Il ne s'agissait donc que d'un admirateur l'ayant reconnu. Pur hasard. Cependant quelque chose dans le comportement du jeune homme gênait beaucoup Indy. Les mouvements du jeune homme trahissaient un simple fan, tout excité de rencontrer son idole, mais son regard était tout autre : il était dur et froid, sans âme. Bien loin de l'excitation d'un fan. Indy n'avait jamais vu un tel regard chez quelqu'un d'aussi jeune. Son malaise s'accentua, mais il n'en montra rien.
- Je peux vous aider, monsieur Kurtis Trent ?
- Ce serait plutôt l'inverse, docteur. Si vous acceptez toutefois de m'accorder un entretien privé.
- Je suis désolé, mais ce ne sera pas possible. Je suis très pris, et le temps me manque. Y compris tout de suite. Je suis en retard à mon rendez-vous.
Indy commença à s'écarter pour se diriger vers un taxi.
- C'est bien dommage, docteur Jones. Mon aide vous serait précieuse.
- Et bien envoyez-moi un CV, répondit-il, agacé.
Il s'éloigna, sans se retourner. Il sentit néanmoins que le jeune homme le suivait à distance. Il s'engouffra dans un taxi, mais ne put en fermer la portière : Trent la bloquait.
- Je ne veux pas me faire insistant, docteur Jones, mais je peux vous être utile : je connais bien la mythologie scandinave.
L'espace d'un souffle, Indy fut totalement décontenancé. Il se reprit incroyablement vite, mais c'était trop tard : le jeune homme avait compris qu'il avait fait mouche. Il plongea aussitôt sur l'opportunité.
- Je vous laisse ma carte, docteur. Si vous changez d'avis.
- La mythologie scandinave ne fait pas partie de mes attributions, répondit Indy, tout en empochant le petit bout de bristol. Je suis très en retard...
Le jeune homme lâcha la portière. Indy la ferma aussitôt, et le taxi démarra.

***

Ce ne fut que lendemain, après une nuit assez courte dans un hôtel, qu'Indy put avoir accès à la prison pour femmes, là où Lara avait été transférée en attendant son procès. Il s'y présenta donc avec la ferme intention de remonter le moral de sa jeune amie, totalement désespérée d'après son majordome. Une gardienne l'amena au parloir, où il s'installa. En attendant Lara, il joua avec la carte de visite du mystérieux fan. Il avait parlé de mythologie scandinave. Sciemment. Ca ne pouvait pas être une coïncidence : cet inconnu était également au courant de la véritable raison des bouleversements climatiques. Même si ce jeune homme semblait du côté d'Indy, son intervention restait inquiétante. Perdu dans ses pensées, il posa la carte sur la table et revint à la réalité. Lara arriva alors, accompagnée d'une gardienne. Elle s'installa de l'autre côté de la vitre en plexiglas et décrocha le combiné.
- Ca boume, Indy ? demanda-t-elle en souriant.
Indy ne fut pas dupe : la jeune femme luttait pour ne pas s'effondrer. Elle avait les traits tirés, le visage très pâle, et ses longs cheveux n'étaient pas coiffés, en plus d'être d'un blond platine.
- Sympa, ta couleur de cheveux, fit joyeusement Indy. Avec des mèches mauves, en plus ! C'est joli.
Le coeur n'y était pas. Indy aurait voulu la prendre dans ses bras pour la consoler. Mais c'était impossible. Emu et profondément affecté, il regarda sa jeune amie fondre en larmes devant lui, derrière une vitre de plexiglas.
- Lara... commença-t-il, la gorge nouée.
- Excuse-moi, fit-elle en essuyant ses larmes. Mais dix ans en prison, ça me retourne la tête. Et te voir là, si proche et si lointain...
- Lara, écoute, tu vas t'en sortir. On va tout faire pour te faire sortir de là. Tu es innocente !
- Tout m'accable, Indy...
- Mais tu as vu le meurtrier, non ?
- Oui. Mais le Yard n'a ni l'envie, ni les moyens de retrouver un type quelconque, brun et portant un bouc.
- Mais si... Et si la police ne le fait pas, moi je le ferais. Je trouverais ce type.
- C'est gentil, mais c'est impossible. Je vais passer dix ans en prison !
- Courage, ma chérie. Tiens le coup, je vais te sortir de là !
Une gardienne arriva alors, signifiant à Indy que la visite touchait à sa fin. A contre-coeur, il reposa le combiné et regarda sa jeune amie retourner à sa cellule. Attristé, il se leva à son tour et quitta la prison. Derrière lui, la gardienne rangea la chaise et jeta le carré de bristol qu'il venait d'oublier sur la table.

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