Chapitre 4
Un cortège de stridulations nocturnes avait escorté la marche de Kurtis en bordure de la jungle. Trouver quelque chose de comestible n'était pas une aussi mince affaire qu'il l'avait espéré. Le petit gibier craintif et aux aguets déguerpissait avant même que l'homme ne puisse les entr'apercevoir et seules de furtives vibrations de brindilles et de rameaux à son approche témoignaient de la présence d'une faune fugace.
Les tourments de la faim avaient doté l'homme d'une persévérance dont il ne s'était jamais cru capable. Toutefois c'était la perspective de rentrer bredouille auprès de sa partenaire, et qui aurait ébranlé sans conteste sa fierté virile, qui l'avait animé d'une témérité soudaine puis finalement qui l'avait décidé à pénétrer un peu plus avant dans les terres.
Les branchages touffus garnissant les cimes des arbres ne laissaient pénétrer qu'une faible clarté vespérale cependant suffisante pour que Kurtis puisse repérer un volatile qui venait de s'y nicher. Lentement et silencieusement, il avait épaulé l'arbalète qu'il avait momentanément empruntée à sa compagne, mais à l'instant où sa mire avait rencontré ce qu'il avait destiné à son menu du soir, un bruit de craquement de branche dans son voisinage l'avait fait fuir.
La frustration et l'estomac dans les talons avaient soudain attisé l'instinct de prédateur qui sommeillait en l'homme et il s'était remis en quête d'une nouvelle proie avec le net sentiment de pouvoir étrangler un mammouth à mains nues si cela s'avérait nécessaire.
Après avoir effectué quelques pas en direction de ce qu'il lui avait semblé être une clairière, un second craquement de branche avait éveillé soudain sa méfiance. Tout en scrutant la couverture végétale environnante, Kurtis avait dégainé son magnum. Ses soupçons avaient tout d'abord pris la consistance d'une paire d'yeux ambrés subrepticement braqués sur lui mais qui ne tarda pas à se révéler appartenir à un félin d'une dimension dépassant l'imagination lorsque l'animal avait surgi des fourrés, prêt à bondir sur sa proie bipède. Conscient qu'il n'était pas en mesure en fin de compte d'engager cette nuit un combat de longue haleine et, par ailleurs, inégal contre l'énorme bête, Kurtis avait pris les jambes à son cou.
Mû par l'ardent désir d'installer la plus grande distance possible entre le carnassier qui l'avait pris en chasse et lui-même, Kurtis n'avait pas eu d'autres choix que de se précipiter dans la direction qu'il avait projeté de poursuivre quelques instants plus tôt.
Cependant, parvenu à l'orée de la jungle, il avait découvert avec stupéfaction qu'il ne s'agissait nullement d'une clairière comme il l'avait supposé, mais d'une dénivellation du terrain bée sur la gorge d'un profond ravin et ce, une fraction de seconde trop tard pour se soustraire à l'élan qui avait fait basculer l'homme dans le vide, ainsi que l'animal qui avait plongé à sa suite.
Une paire de racines providentielles qui émergeaient sur le flanc du précipice avait permis à Kurtis d'échapper à une chute mortelle, tandis que les rugissements de la bête qui n'avait pas eu le même bonheur que lui avaient été muselés quelques centaines de pieds plus bas.
Tandis qu'il prenait progressivement conscience qu'il venait d'échapper à une double mort, Kurtis avait réitéré sa tentative de se dégoter de la volaille et cette fois, son expédition s'étant clôturée sur un succès, il avait pris le chemin de retour en direction de la falaise où l'attendait sa compagne.
La jeune femme s'était assoupie près du feu qu'elle avait pris soin d'allumer et d'entretenir durant l'absence plus que prolongée de l'homme.
L'odeur de viande rôtie avait tiré Lara de son sommeil.
"- Vous en avez mis du temps ! J'ai cru que vous n'alliez plus jamais revenir ! " s'exclama-t-elle avant de mordre goulûment dans le morceau de viande que lui avait servi Trent.
"- Pour tout vous avouer, Miss, je l'ai cru aussi durant un moment ! " dit-il.
"- Mais que vous est-il arrivé ? "
"- J'ai été contraint de jouer à "chat"... " répondit l'homme pour résumer brièvement l'incident.
"- Vous plaisantez, j'espère ! " fit Lara, avec une expression d'incrédulité.
"- Pas du tout ! D'ailleurs, je peux même vous dire que j'ai gagné la partie ! " dit Trent avec l'air le plus sérieux qu'il put.
La jungle foisonnait de formes de vies sous ses aspects les plus divers et étranges. Après un parcours de plusieurs heures sans incidents majeurs à travers un réseau chaotique de dense végétation, le couple avait abouti sur une immense étendue défrichée où s'étalait un champ de gigantesques statues de basalte dont la plus grande atteignait une hauteur approximative de six toises. Douze d'entre elles figuraient des corps d'animaux fabuleux, douze autres représentaient des humanoïdes et une douzaine encore des têtes uniquement. De par leurs factures, elles semblaient apparentées à celles retrouvées à San Lorenzo au Mexique.
Trent s'était servi d'un tronc d'arbre comme siège de fortune et était occupé à se désaltérer. L'air était lourd et la zone extrêmement humide chargée de miasmes pestilentiels grouillait d'insectes rappelant les maringouins terrestres.
Immergée dans le sol bourbeux jusqu'aux genoux, Lara avait évolué péniblement entre les deux premières sculptures puis après avoir sorti son calepin, elle avait pointé sur une page l'emplacement des monuments.
Au bout d'une demi-heure, elle avait achevé le travail qu'elle s'était assignée et était retournée auprès de Trent pour le découvrir scandaleusement vautré sur le support où elle l'avait vu prendre place avant son départ et plongé dans une sieste aux ronflements bruyants.
Dans un premier temps, irritée par le comportement de l'homme qui, non seulement, ne s'était même pas proposé de l'assister dans sa tâche, mais avait eu le culot de dormir pendant qu'elle s'était farcie tout le boulot, l'envie de le secouer avait traversé la jeune femme. Cependant elle s'était ravisée au dernier moment. Le sac à dos de Trent bâillait à ses pieds et l'attention de Lara avait été attirée par ce qui avait nettement l'apparence d'un coin de reliure. Une curiosité soudaine l'avait traversée et tout en jetant un oil de temps à autres vers son compagnon assoupi, elle avait compulsé rapidement et discrètement l'ouvrage qui s'y trouvait.
Tandis qu'elle découvrait progressivement au rythme de sa lecture les annotations que l'homme y avait portées, Lara avait été gagnée par un sentiment de colère grandissante. C'était une traduction littérale du manuscrit du souverain nazca qui expliquait dans les moindres détails toutes les étapes que lui et ses fidèles avaient franchies durant leur périple. Lara réalisa que pas un instant Trent n'avait été dans l'ignorance des choses qui avaient jalonné leur expédition et qu'il devait être au courant de bien de choses encore. Dans le coin d'une page, l'homme y avait ajouté une remarque à son sujet et en le découvrant, le rouge était monté aux joues de la jeune femme.
Le bruit familier de l'enclenchement d'une gâchette avait soudain tiré Lara de sa lecture.
Perturbée quelque peu par les quelques lignes licencieuses qu'elle venait de parcourir, Lara n'avait pas eu le temps d'esquisser le moindre geste qu'elle avait entendu le coup partir dans sa direction avec la plus grande des appréhensions. Mais elle fut surprise de voir que l'homme avait visé vers le sol et, s'avisant du lieu de l'impact, la jeune femme constata qu'il venait de tirer sur un petit ophidien à l'écaille rouge et or qui, à son insu, avait rampé entre ses bottes.
Toujours dans la même position qu'elle l'avait trouvé quelques minutes plus tôt, Trent avait rengainé sans un mot.
L'instant de frayeur passé, Lara réalisa que son compagnon venait probablement de lui sauver la vie une fois de plus. Toutefois elle était demeurée ulcérée par ce qu'elle venait de découvrir dans les minutes précédentes.
"- Vous saviez tout depuis le début, n'est- ce- pas ? " s'exclama-t-elle.
"- Je m'en doutais que vous ne pourriez pas vous en empêcher, Miss ! J'aurais dû faire plus attention, mais la nuit mouvementée que j'ai passée et cette chaleur ont eu raison de moi ! Je me suis assoupi malgré moi... Mais de toute façon, tôt ou tard, il aurait fallu que je vous le dise ! " fit Trent, en se redressant.
"- Pourquoi m'avoir caché que vous saviez déjà tout ce qui allait nous arriver ! "
"- J'avais mes raisons... A présent que votre curiosité est satisfaite, je vous prie de me rendre ce qui m'appartient ! "
"- Sûrement pas avant de vous avoir dit ce que je pense de vous, Mister ! "
"- Soit, je vous écoute, Miss ! "
"- Vous êtes un véritable mufle de m'avoir laissée seule patauger durant plus d'une demi-heure dans cette boue infecte alors que vous saviez déjà par où nous devions poursuivre notre route ! " dit Lara, en tendant le cahier à son compagnon.
"- Ah, bon ? Je m'attendais à quelque chose de pire venant de votre part après la lecture de mes commentaires vous concernant ! "
Lui rappelant subitement ce qui l'avait distraite quelques instants plus tôt, les paroles de l'homme avaient rendu muette la jeune aventurière et l'avait placée dans la plus grande des confusions .
"- Auriez-vous perdu votre langue, Miss ? " demanda, Trent, sur un ton narquois.
Outrée par la désinvolture de l'homme, Lara s'était efforcée de retrouver une contenance et avait mis un soin exagéré à débarbouiller la terre séchée et agglutinée autour de ses bottes. Tandis que la jeune femme tentait de dissimuler ainsi son émoi, son compagnon s'était enfoncé à son tour dans la tourbière et après s'être dirigé vers la plus petite des statues, au moyen de son pied-de-biche, il en avait dragué la vase tout autour jusqu'à ce que l'instrument rencontrât une résistance à son extrémité.
La manche relevée, Kurtis avait plongé un bras jusqu'au coude dans la fange et en avait extrait une motte de terre d'aspect argileux. Ensuite, il s'était dirigé vers la statue située à l'extrémité Nord de la zone et avait réitéré la même opération. En possession de ses deux trouvailles, il était revenu sur la terre ferme puis en avait méticuleusement débarrassé la boue et la mousse verdâtre qui les recouvraient. Le travail achevé, un sourire de satisfaction avait illuminé le visage de l'homme.
Après avoir admiré à bout de bras durant un moment les deux petits tétraèdres noires et luisants qu'il venait de dégager de leurs écrins rébarbatifs et dégoulinants, il les avait empochés, et toujours avec la même assurance, il était reparti en direction des statues dressées à l'Est.
Tout en feignant d'être profondément absorbée dans ses notes, Lara avait observé d'un oil discret les agissements de son compagnon. Toutefois lorsqu'elle fut en droit de penser qu'il officiait sérieusement et sans se faire prier à l'avancement de leur expédition, elle avait rangé son carnet et avait procédé au nettoyage de ses pistolets et de son revolver.
Au bout d'une demi-heure de barbotage, Trent était réapparu devant la jeune femme, crotté de la tête aux pieds et l'air visiblement contrarié. A l'aide d'un chiffon, il essayait de s'ôter la boue nauséabonde des doigts tout en grommelant pour lui-même son mécontentement.
Sachant par avance la futilité de la question qui lui venait à l'esprit, elle avait interrogé cependant l'homme afin d'obtenir plus de précision sur la nature de sa recherche pour laquelle il n'avait pas daigné se prononcer depuis qu'il l'avait débutée.
"- Alors ? Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ? " demanda-t-elle après avoir rangé son outillage d'entretien.
"- Bien, j'en ai trouvé qu'une partie... " répondit Trent, énervé par la longue recherche stérile qu'il venait de mener.
"- Qu'est-ce qui mérite ainsi que vous vous soyez donné tant de peine ? "
"- Il nous faut quatre clés pour ouvrir la porte de la cité-centrale. " expliqua Trent.
"- Et à quoi ressemblent-elles ? "
"- Il y en a deux en forme de pyramides et les voici... " fit Trent en lui montrant les objets qu'il avait déjà trouvés. "... Mais il y a aussi deux clés en forme de sphère, dont la première aurait dû se trouver sous la statue représentant un homme. "
Tenant son cahier entre le pouce et l'index, Trent l'avait ouvert à la page où était mentionnée l'explication au sujet des clés en question pour l'exposer à sa compagne. Celle-ci pesta aussitôt mentalement sur l'ironie du sort qui voulait que les fameux commentaires de l'homme fussent gribouillés à cette même page. S'efforçant de faire abstraction de ces derniers, Lara s'était penchée sur le cahier et après avoir saisi la teneur du passage, elle avait passé une main dans une poche latérale de son sac à dos et l'avait ressortie avec une boule couleur de jade.
"- Vous voulez dire quelque chose qui ressemble à peu près à ceci ? " fit-elle, dissimulant mal une expression résumant la cocasserie de la circonstance.
"- Vous auriez pu me le dire plus tôt ! " s'exclama Trent, surpris et en proie à un sentiment mitigé, partagé entre la colère et le soulagement.
"- Mais dites-moi comment aurais-je pu deviner que c'était cela que vous cherchiez ? Dois-je vous rappeler que pas un instant, vous n'avez jugé nécessaire de me communiquer l'objet de vos recherches ! " rétorqua Lara.
"- Soit. Où l'avez-vous trouvé ? " dit Trent.
"- Sous la statue dont vous venez de parler et ce durant votre petit somme de tout à l'heure, Mister ! "
"- Bien, je crois que nous allons devoir mettre les choses au clair avant de poursuivre notre route... "
"- En effet, je pense aussi qu'il en est plus que temps ! "
"- Je suis à peu près sûr de l'endroit où a été cachée la deuxième sphère. Je propose que nous nous dirigions vers son emplacement théorique et que je vous fasse part de ma petite histoire durant le trajet ! "
"- Bonne idée ! Il me semble de toute manière que nous n'ayons plus rien à faire ici ! "
Son sac à dos sur l'épaule, l'homme s'était remis en marche et avait invité sa compagne à contourner les marécages par l'Ouest.
Tandis que brièvement il narrait à la jeune femme les épisodes qui l'avaient conduit jusque en ces lieux, Kurtis se les était remémorés ainsi qu'il se fut agi d'événements qui s'étaient déroulés la veille encore.
"- Cela fera bientôt dix-sept ans que je m'intéresse à tout ce qui touche de près ou de loin la civilisation Nazca... Tout d'abord, j'y avais consacré un mémoire, et par la suite, une thèse qui malheureusement n'avait remporté que l'indignation de la part de mes confrères jetant l'opprobre et le discrédit sur tous mes travaux postérieurs. " dit Trent.
"- Je suppose que votre thèse avait un rapport avec le cauchemar que nous sommes occupés à vivre ! " fit Lara.
"- En effet, j'ai été le premier à évoquer le passage de ces créatures sur notre planète. D'après les recherches que j'avais pu mener, j'avais conclu que leur premier séjour remontait à plusieurs centaines de milliers d'années mais malheureusement la preuve la plus récente dont je disposais ne datait que de cinq mille ans, la méthode de datation par le carbone quatorze ne permettant pas de remonter plus loin. Je dois cependant avouer qu'après-coup elle apparaissait plutôt mince... "
"- Plusieurs centaines de milliers d'années, dites-vous ? Mais comment étiez-vous parvenu à cette conclusion ? "
"- Cela remonte à mon dernier voyage que j'avais effectué au Pérou avant de boucler mon mémoire. Comme mes travaux étaient à leur terme, le dernier soir, j'avais voulu fêter l'événement. Je me trouvais à Poroma lorsque j'avais fait la connaissance d'un homme dans un bar avec lequel j'avais rapidement sympathisé... Alors que je lui avais confié l'objet de mon étude, il m'avait donné rendez-vous le lendemain chez lui dans un petit village situé à une vingtaine de kilomètres du centre-ville afin de me montrer quelque chose qu'un de ses ouvriers avait mis au jour sur ses terres et qui devait probablement m'intéresser... J'avais été très surpris de découvrir qu'il s'agissait d'un coffret renfermant un très ancien codex qui, d'après les repères astronomiques qui y figuraient devait remonter au septième siècle avant l'ère chrétienne. Je lui en avais offert un prix raisonnable et lorsque je fus de retour à Londres, j'en avais immédiatement effectué l'analyse... "
"- Vous vivez à Londres également ? " demanda tout à coup la jeune femme.
"- A l'époque oui, mais depuis lors je n'ai cessé de voyager de par le monde ! Mais j'y ai toujours un pied-à-terre... Dites-moi si mon histoire vous ennuie ! " fit poliment Trent.
"- Veuillez m'excuser, Mister ! Poursuivez, je vous prie ! " dit Lara, navrée.
"- Donc, après l'étude du codex, j'avais pu constater que les hiéroglyphes narraient tout bonnement une mythologie dont les divinités apparaissaient manifestement comme des êtres venus d'ailleurs. J'avais pu estimer la date de leur apparition grâce au calendrier qui y était joint. Fort de cette découverte, j'avais décidé d'en faire le sujet de ma thèse. "
"- J'imagine à présent la raison pour laquelle elle n'avait pas reçu l'accueil fervent escompté... "
"- Effectivement, mes seules hypothèses n'avaient pu trouver un fondement que dans ce seul codex car après que je fus retourné à Poroma afin de retrouver l'homme qui me l'avait vendu pour une bouchée de pain, ce dernier semblait s'être volatilisé dans la nature. Ce ne fut que bien des années plus tard que le docteur de La Vega a souhaité me rencontrer et j'avais été extrêmement surpris de découvrir que de La Vega et l'homme du bar ne faisait qu'un."
"- Je suppose qu'il avait de bonnes raisons de placer le codex entre vos mains. "
"- C'est ce que je lui ai demandé aussitôt. C'est alors qu'il m'a parlé de ses origines, de son ancêtre, du manuscrit et des cinq clés. Il m'a dit qu'il était au courant de mes recherches et qu'il désirait me transmettre le manuscrit car il n'avait pas d'héritier. En outre, il m'avait fait part de la menace permanente du retour des créatures sur Terre mais j'étais loin de m'imaginer à ce moment que cette crainte était plus que fondée. Durant ces trois dernières années, avec l'aide de de La Vega, j'ai tenté de traduire le manuscrit dont une version se trouve couchée dans ce cahier que j'ai emporté avec moi. La suite vous la connaissez. "
Réalisant toute l'ampleur de la signification des dernières phrases de son compagnon, Lara avait subitement arrêté sa progression.
"- Ainsi, depuis le début, j'avais donc affaire à un spécialiste des civilisations andines, additionné d'un expert dans l'interprétation de leurs idéogrammes ! " conclut-elle dans un sourire figé.
"- Cela devrait plutôt vous réjouir, non ? " dit Trent sur un ton jovial.
L'homme s'était également arrêté pour sortir de son paquetage un épais fourreau de cuir et il était sur le point d'en dénouer les sangles qui l'enserraient, lorsqu'il avait suspendu son geste en sentant une tension chez sa compagne. " Seriez-vous déçue par ma petite histoire ? " demanda-t-il.
"- Avouez franchement que vous vous êtes payé ma tête sous la rotonde ! " s'exclama Lara qui fulminait au simple souvenir de l'épisode.
"- Loin de moi cette idée, Miss ! " dit-il en dévisageant la jeune femme avec une expression de démenti sincère dans le regard.
"- Pourquoi m'avoir donc laissée si longtemps dans l'ignorance, Mister ? "
"- C'est très simple ! Les textes que j'avais traduits ne renseignaient pas de façon directe la nature des obstacles rencontrés par Tixlhuoc et ses guerriers. Pour ma part, ces trois dernières années que j'avais passé à plancher sur leurs sens cachés m'avaient trop influencé au point où j'étais susceptible de m'éloigner de leurs significations réelles ! Seule la confrontation directe sur le terrain par un esprit vierge de tout a priori devait permettre de passer outre cette approche ! "
"- Soit. Mais comment pouviez-vous être si sûr que je serais au rendez-vous ? "
"- Hum... Vous rappelez-vous le télégramme que vous avait envoyé le professeur Sanchez à propos de la découverte du squelette ? "
"- Oui, bien sûr... Mais comment savez-vous cela ? "
"- Sanchez n'aurait pas pu vous l'envoyer car il ne se doutait pas un instant de ce que lui et ses étudiants venaient de découvrir ! "
"- Alors, c'était donc vous ! "
Trent avait acquiescé d'un haussement d'épaule et avait terminé de dégager de son fourreau une large lame qui semblait avoir été affûtée avec extrêmement de soin, tandis qu'un sourd pressentiment laissait entrevoir à Lara que son compagnon ne lui avait pas dit toute la vérité.
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