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L'école

L'école, Chapitre 15, par Pitoch, le 04 novembre 2003.

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Chapitre 15

Henry Jones s'approcha tranquillement des barreaux de leur cellule. Il retira son chapeau et passa la tête au travers.
- Excusez-moi, jeune homme, fit-il, s'adressant à un des gardes qui les surveillait. Auriez-vous l'amabilité de m'apporter une chaise pour mes vieux os ?
Le garde ainsi interpellé le dévisagea d'un air abruti. Le vieux Jones pouvait presque voir le cheminement de sa phrase à travers le peu de cerveau que possédait ce quidam. Enfin, par un miracle de la nature, le garde comprit la demande et s'éloigna, non sans avoir vociféré quelques ordres en roumain à son collègue. Il revint quelques minutes plus tard, avec une chaise en plastique totalement innofensive. Il ordonna aux prisonniers de reculer dans le fond de la cellule, ouvrit, déposa la chaise et referma prestemment. Henry prit la chaise, l'amena dans un coin et s'assit tranquillement dessus, sans se départir de son grand sourire.
- Pourquoi souriez-vous depuis le début, vieux ? demanda Alex, rompant le silence boudeur généralisé. Qu'est ce qui vous rend si confiant ?
- D'abord, notre situation ne doit pas vous faire oublier votre savoir-vivre, jeune homme, le reprit Henry, toujours souriant. Je vous demanderais donc de m'appeler professeur Jones, ou Henry si vous y tenez, et de marquer un grand respect lorsque vous m'adressez la parole.
Lara, assise à côté de son ami, lui posa la main sur le bras pour l'apaiser silencieusement, voyant la colère monter en lui par le biais de quelques veines. Mais elle échoua, et Alex se leva soudain, prêt à se jeter sur le vieux professeur. Indy l'arréta tout aussi soudainement, d'un formidable coup de poing en plein visage. West tomba à la renverse et essuya son nez en train de saigner d'un revers de main. Il leva les yeux sur son « agresseur », qui se tenait debout devant lui.
- Ne touche pas à mon père, West, fit Indy d'un air inquiétant.
- Comme c'est mignon ! ironisa Alex en se relevant.
Lara, sentant venir le danger, se plaça rapidement entre ses deux amis, face à Alex.
- Tout doux... dit-elle. Ce n'est vraiment pas le moment de se battre !
Le coup partit sans qu'elle puisse ne serait-ce que l'anticiper. Du revers de la main, Alex la gifla si violemment que la jeune femme tomba à son tour, groggy. Comme elle essayait de comprendre ce qui lui était arrivé et de reprendre ses esprits, elle sentit Alex l'attraper par les cheveux et la tirer en arrière. La douleur de sa joue rendue cuisante par la gifle combinée à celle de ses cheveux tirés sans ménagement en arrière lui amenaient les larmes au bord des yeux. Levant les bras, elle agrippa fermement le poignet d'Alex et tenta de lui faire lâcher prise, sans succès. Après tout, il était beaucoup plus fort qu'elle. West la jeta dans un coin de la cellule et la gifla de nouveau, du plat de la main, heureusement sur l'autre joue.
- Reste-là ! ordonna-t-il, d'un ton sans réplique.
Sans réellement comprendre ce qu'il venait de se passer, Lara vit son amant courir à travers la cellule pour se jeter sur Indy, qui l'attendait de pieds fermes. Assis sur sa chaise, Henry restait toujours tranquille, sans se départir de son petit sourire satisfait. « C'est un cauchemar », pensa Lara. « Je dois me réveiller, ça devient urgent ». Elle sentit alors un objet froid contre sa main, posée sur le sol. Un couteau. Pas le genre opinel, non... Un vrai couteau de chasse. Elle l'empoigna fermement, se sentant rassurée par l'épais manche de l'arme. Elle vit alors Alex et Indy en train de se rouler par terre, l'un tenant l'autre dans une empoignade virile. Elle vit aussi qu'Alex lui tournait le dos. Un dos large et puissant. Offert en grand. Alors qu'elle tenait un couteau. Lentement, elle se releva, essuya le sang qui perlait à ses lèvres d'un revers de main et s'approcha des combattants. Elle avançait pas à pas, ne voyant plus que le dos de West. D'un seul coup, tout devenait clair, pour elle. Elle devait tuer Alex pour calmer ses amis. Le tuer, pour soulager tout le monde. Le tuer, pour faire revenir Chase. Oui, bien sûr ! C'était évident, maintenant ! Un échange allait s'opérer. Elle tuait Alex, on lui rendait Chase. Forte de cette certitude, Lara s'approcha de son ami, prête à le libérer du fardeau de sa vie. Comme elle levait le couteau, elle capta le regard du vieux professeur Jones. Celui-ci la regardait en souriant, mais son regard annonçait le contraire. Ses yeux étaient emplis d'une tristesse infinie. Ni colère, ni rancune. Juste la mélancolie. Le temps sembla se figer. Indy et Alex s'arrétèrent soudain de se battre, et eux aussi regardèrent le vieil archéologue. En silence, immobiles, les trois amis étaient comme hypnotisés. Le couteau glissa des mains de Lara et rebondit par terre en tintant. Le sourire d'Henry s'effaça lentement, et il prit un air sérieux. Il semblait vouloir parler, mais le monde tournait au ralenti, comme si sa survie dépendait de ce qu'allait dire le professeur Jones.
- Maintenant vous comprenez, finit-il par dire d'une voix lasse. Maintenant vous savez. Nous n'affrontons pas Stevenson Banks. Nous n'affrontons pas les nazis, ou un monstre quelconque, tout aussi dangereux et affreux soit-il. Nous affrontons le Diable en personne. Le Mal absolu. Une entité intangible. Ce lieu Lui appartient. Chacune de nos pensées négatives est amplifiée, nous rendant différent de ce que nous sommes vraiment. Regardez-vous vous-mêmes, à l'intérieur de vous. Qu'y voyez-vous ? Junior, est-il concevable que tu agresses Alex sans sommation, directement ? Alex, est-il concevable que tu frappes une femme, particulièrement une femme que tu aimes de toute ton âme ? Lara, est-il concevable que tu tentes de tuer l'homme que tu aimes ? Observez vos âmes, et répondez à ces questions. Quand vous aurez trouvé la réponse, alors vous aurez enfin compris l'importance de la tâche qui nous attend.
Henry se tut et les regarda chacun à leur tour. Indy se redressa, morose, et s'approcha des barreaux de la cellule. Alex, s'aidant d'une main, se replaca en position assise par terre, les yeux grands ouverts, comme s'il comprenait soudain ce qu'il venait de faire. Lara, quant à elle, s'éloigna dans un coin de la geôle pour pleurer.

Quand Henry Jones s'approcha de Lara, trainant sa chaise avec lui, la jeune femme était plongée dans de sombres pensées. Le vieux professeur posa sa chaise, s'assit dessus et la regarda, avec la tendresse d'un père, sans parler. Ce fut Lara qui se sentit obligée de rompre le silence.
- Je ne me reconnais plus, murmura-t-elle. Je pleure, je tremble, je crains n'importe quoi, je ne suis plus sûre de rien... Ce n'est pas moi !
- Lara, vous êtes jeune. Très jeune. Trop jeune. J'aurais presque hésité à amener mon fils dans cette histoire, alors vous... C'est bien trop difficile pour vous, et vous avez déjà subi beaucoup d'épreuves. Votre séquestration, croyant être handicapée à vie a dû vous secouer plus que vous ne voulez l'admettre, également.
- Alors quoi ? J'attends que ça se passe en pleurnichant comme une vierge effarouchée ?
- Il est trop tard pour ça. Bon gré mal gré, vous voilà dans la dernière ligne droite, celle qui va nous mener à nous opposer à Satan Lui-même.
- Et vous avez un plan ? Sinon, comment expliquait votre assurance ?
- Non, je n'ai pas de plan. Mais je sais ce qu'il va se passer.
- Comment ça ? Il va se passer autre chose que ce que nous avons appris dans les livres ? Sur l'Ecole ?
- Disons que j'attends un événement. S'il survient, j'aurais raison sur toute la ligne et je pourrais alors prendre des mesures.
- Et ?
- Je ne compte pas en dire plus, Lara. Sachez seulement que le moment venu, vous le saurez par vous même.
- Vous vous rendez compte à quel point vous êtes notre seul point auquel se raccrocher ? Que vous tenez nos vies entre vos mains ? Que vous êtes notre seule lumière dans un noir absolu ?
Henry lui fit un grand sourire, réajusta son chapeau et se leva.
- J'ai les reins solides malgré mon âge, ma jeune enfant, fit-il en emportant sa chaise.

Plus de quatre heures plus tard, les aventuriers étaient toujours enfermés dans leur cellule. Le vieux Jones avait pris la peine de discuter avec chacun de ses partenaires, s'attardant particulièrement sur les plus affectés par l'histoire, à savoir Lara et Alex. Mais l'événement dont il avait parlé à la jeune femme ne survenait visiblement pas, et même lui commençait à froncer les sourcils sous l'inquiétude. La porte de la cellule s'ouvrit enfin sur huit gardes qui investirent les lieux rapidement. Henry, assis sur sa chaise, les regarda, visiblement suspendu à leurs paroles, et affichant un air de plus en plus inquiet.
- Lequel de vous est Lara Croft ? demanda un des gardes.
- Y'a qu'une seule femme dans cette cellule, tête de con ! cria Alex, vraiment à bout.
- Je ne peux pas deviner que « Lara » est un prénom féminin dans votre sale pays capitaliste, répondit aussitôt le garde.
- Ah oui, j'oubliais que tu t'appelais « Carol » et que tu faisais le trottoir de Bucarest dans ta jolie guépière... fit Alex d'un ton acide.
Le garde ainsi interpellé se raidit sous l'insulte et porta la main à sa matraque électrique. Alex se leva d'un bond et se planta devant lui.
- Vas-y, ma grande, montre tout le pouvoir que tu as !
- Alex, ça suffit ! fit Lara en s'interposant. Je suis Lara Croft, ajouta-t-elle à l'intention du garde.
- Alors suivez-nous ! dit celui-ci. Les autres, vous pouvez croupir dans votre cellule !
Lara sortit, encadrée par les gardes. Elle se retourna quand la porte de la cellule se referma avec fracas. Elle eut le temps de voir Henry Jones sourire jusqu'aux oreilles.

C'était donc l'événement tant attendu : sa séparation d'avec ses compagnons. Lara tenta de se raccrocher tant bien que mal à l'idée que c'était une bonne nouvelle, que ça suivait le plan instauré par le vieux professeur, mais sans un réel succès. Elle était maintenant seule. C'était la seule chose qu'elle comprenait. La mort en elle-même ne lui faisait pas peur. Elle l'avait cotoyée bien trop souvent pour en être encore inquiéte. Mais elle redoutait des tourments éternels. Elle redoutait l'Enfer. Et elle savait qu'elle n'en avait jamais été aussi proche. Les gardes l'amenèrent dans la grotte-laboratoire, puis dans un bureau aménagé, où elle retrouva Bansk et sa jeune garde-malade.
- Banks ! s'écria Lara, tentant de paraître enjouée. Comment allez-vous depuis Sydney ?
- De mieux en mieux, chère petite ! répondit-il sur le même ton. Mon oeuvre arrive à son terme, et va s'achever par une apothéose et un succès énorme.
- Bravo !
- Mais j'ai besoin de vous pour cela.
- Non, sans blague ?
- Sans blague. Lara, êtes-vous réglée en ce moment ?
- PARDON ?
- J'ai besoin de le savoir, particulièrement si vous êtes en pleine ovulation.
Banks aurait pu lui dire n'importe quoi, Lara s'attendait à tout : remarques acides, menaces, chantage, voire coups et tortures. Mais jamais elle n'aurait imaginé entendre des questions sur son intimité. Elle resta pantoise, ne sachant quoi dire devant une telle question.
- Ce n'est pas grave, enchaina Banks. Nous allons de toute façon vous droguer, et notre gynécologue personnel pourra alors obtenir les réponses que je désire.
- Vous êtes complétement fou, réussit à dire Lara, lentement.
- Je compte offrir au Maitre une femme en état de procréer, afin de lui permettre d'amener sa descendance sur Terre. Bref, vous allez être la mère de l'enfant de Satan.
Tandis qu'il parlait, quelqu'un s'était approché discrètement dans le dos de Lara et planta une fine aiguille dans le bras de la jeune femme. Elle se sentit immédiatement chanceler.
- Ce n'est qu'un léger neuro-toxique, expliqua Banks. Vous allez vous évanouir, et quand vous vous réveillerez, vous serez très obéissante, car incapable de déduction.
Un épais brouillard commençait à envahir l'esprit de Lara. Elle se sentit tomber à la renverse, mais sans chuter, et sans douleur. Au milieu de l'inconscience qui la gagnait, elle capta les dernières phrases de Banks.
- Bien entendu, dit-il, la procréation risque d'être très désagréable pour vous... Après tout, Satan n'a pas l'habitude de monter ses femmes en douceur. Mais sur certains points... physiques, vous allez y gagner par rapport à West...
Lara perdit conscience, presque heureuse de quitter ce cauchemar vivant.

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