Chapitre 9
Les arbres défilaient à toute allure devant
les yeux agacés de l'aventurière, qui en avait assez des ces heures
fatigantes en automobile. Cela faisait tellement longtemps qu'elle était
assise, qu'elle avait l'impression que tout son derrière avait été
anesthésié. Ses ongles qu'elle claquait sur le rebord de la fenêtre
exposaient sa patiente volatile, depuis des heures ils chantaient en rythme.
S'engouffrant dans la campagne profonde, ils traversèrent de nombreux champs
et forêts, avant, de s'arrêter enfin devant une immense demeure. Lara bondit
hors de la voiture, et s'étira de tout son long.
C'était un petit manoir dirait-on, entouré
d'un grand grillage noir, s'élevant sur plusieurs mètres. Il emprisonnait
toute la demeure, mais non munit d'une serrure, était plus impressionnant
que protecteur.
« Personnellement, ça m'emmerderait bien d'habiter dans un coin pareil...c'est
encore plus paumé que la base... » Répliqua John en franchissant le grillage
d'entrée.
Septique, Lara se rappela ce que lui avait dit justement son ami à propos de
la base, quand elle y était allée pour la première fois. Un endroit perdu
pour faire ce que l'on désire à l'abri des regards... ce Braik aurait-il
quelque chose à cacher ?
Le jardin, très beau avec des plantes en
fleur, n'avait pas bougé d'un pouce malgré le manque de soins, manquant
depuis plusieurs mois. La couleur des plantes semblait irréelle, comme
virtuelle. Un petit ruisseau, vacillait entre les gros arbres, aux troncs
imposants.
Bien que la demeure semblait abriter une grande richesse, les serrures
étaient d'une facilité déconcertante à crocheter, mais cela n'avait pas été
fait, aucun signe de pillage... Tellement perdue dans la campagne Normande,
personne ne devait connaître l'existence de la maison tout simplement.
Une fois dans le manoir, Lara en prit plein
les yeux. Le château, rempli d'objets d'une grande beauté et
merveilleusement décoré, affichait une exposition comme dans un grand musée.
Même le manoir Croft paraissait presque miteux à côté de celui-ci, pourtant
plus petit.
Civilisation grec, asiatique, indienne, pour tous les goûts, l'aventurière
était vraiment émerveillée.
« C'est vraiment magnifique, c'est très soigneusement décoré. »
« Mouais bof... »
« Je viens d'encore apprendre quelque chose sur toi mon cher John, en fait
tu n'as aucun goût ! »
« Non ce n'est pas ça, j'ai comme une mauvaise impression depuis tout à
l'heure, et je ne me sens pas du tout à l'aise ici. »
« Bon on va se séparer, je vais faire le premier étage et toi le
rez-de-chaussée ! »
Ils allèrent alors chacun de leur côté,
John s'empressant de monter les hauts escaliers, disparaissant à l'étage du
dessus. Son air maussade avait fait pâlir son visage, comme celui d'un mort,
mais cela devait juste être ces longues heures de conduite qui devaient
l'avoir un peu retourné.
Le rez-de-chaussée comportait un immense salon, la cuisine, ainsi qu'une
grande salle de repos, avec une télé, un billard et autres activités de
divertissement. Tout d'abord, afin de procéder méthodiquement, Lara partit
vers l'immense cuisine. Le mobilier, peint d'un rose saumon, se couplait
parfaitement avec le marbre d'un même rose pale. Les grandes fenêtres
illuminaient la pièce, lui donnant une ambiance éclatante. La vaisselle
d'argent reposait paisiblement dans les nombreux placards fixés aux murs. La
cuisine débouchait sans aucune porte vers le salon de réception. Celui-ci
faisait penser à celui du manoir Croft, avec une longue table de bois en
chêne, permettant d'accueillir un nombre important d'invités. Etant peu
intéressante, la jeune femme ne s'attarda pas plus longtemps dans cette
pièce, et passa à la salle de détente.
C'était la plus grande pièce du
rez-de-chaussée, toutes les activités étant réparties avec beaucoup
d'espace. Un papier peint bleu clair s'accordait avec une moquette de même
couleur, son épaisseur laissait les chaussures de Lara s'enfoncer d'au moins
deux centimètres.
Un vieux feu de bois reposait dans la cheminée, les cendres éparpillées
autour de lui, couvrant les macabres bûches. Arrivée près de la cheminée,
l'aventurière observa longuement une statuette posée sur le manteau de
celle-ci. Il s'agissait d'une danseuse, sur les pointes, en bronze, une très
belle pièce. Elle voulu la prendre dans ses mains, mais la relique refusait
de bouger, certes le bronze est lourd mais pas à ce point. Forçant un peu,
l'objet se tourna vers la droite, et Lara entendit un grognement derrière
elle, il s'agissait du billard qui s'était déplacé, laissant apparaître un
escalier secret.
La jeune femme s'enfonça prudente sous le
bâtiment, le passage se refermant derrière elle. Le fond de l'air était
étouffant et humide, les escaliers très glissants, les murs trempés d'eau.
Il se pouvait que ce passage soit là depuis des années. Il n'y avait que de
faibles ampoules accrochées au mur pour éclairer l'escalier. Elles étaient
toujours allumées, mais l'eau entraînait des coupures ponctuelles de
courant, faisant vaciller la lumière, les ombres prenaient des formes
spectrales effrayantes. Lara sortit de son sac à dos sa lampe de poche, afin
d'y voir un peu plus clair. Commençant par éclairer le sol, elle se rendit
compte que l'eau avait une teinte bien rouge, pas du tout naturel. Les murs
étaient également couverts de traînées de sang, Lara n'eut pas de mal à
reconnaître des traces de mains peintes avec ce même liquide, l'endroit
était vraiment lugubre.
Elle finit par déboucher dans un grand
laboratoire. Des morceaux de verres brisés craquèrent sous les semelles
humides de ses boots. De nombreux objets avaient éclaté sur le sol taché de
sang et poussiéreux. Ce décor aurait été plus que parfait pour tourner un
film d'horreur.
Gloup, gloup, des gouttes d'eau se laissaient tomber d'un cadavre étendu sur
une table de bois. Et ce n'était pas le seul, il y avait bien une dizaine de
corps, répandu un peu partout. Des tables avaient été retournées, les
cadavres jonchaient le sol, il y avait du avoir une terrible bagarre ici.
L'immensité et le vide de la pièce entraînait un écho insupportable,
amplifiant le moindre petit son.
Lara se rapprocha, ces corps n'avaientt pas de peau, ça lui rappela
étrangement le monstre qui avait tenté de la tuer l'autre nuit, ainsi que la
femme de l'orage. Certains étaient bien plus abîmés que d'autres, et avaient
aussi été découpés volontairement afin de les étudier. Sur quelles
recherches morbides M.Braik travaillait-il ?
Des rats dévoraient les restes des
cadavres, qui offraient un garde manger de choix. Dans un coin, un peu plus
loin, Lara remarqua la présence d'un bureau. Lui aussi recouvert de
poussière, il ne paraissait pas avoir grand intérêt, sauf peut être la
présence d'un livre. Elle l'empoigna et souffla sur la couverture, le mot
Journal, y était inscrit. Il s'agissait certainement de rapports sur ses
expériences, pensa la jeune femme. Elle l'ouvrit et lu la première phrase
qui lui tomba sous le nez.
« N°4 est mort 13h après sa création, ils vivent de plus en plus longtemps,
je pense que tout dépend de moi en fait... »
Lara tourna plusieurs pages pour arriver à la fin du livre, taché de sang.
L'écriture y était bien plus saccadée, comme si, il s'était empressé
d'écrire, dénotant un empressant et une excitation soudaine.
« Il est parfait, j'ai enfin réussit, mais je sens sa haine monter de jour
en jour. N°15 est trop jaloux de la perfection de 16, j'aimerais le
détruire, mais je crains d'échouer... »
Lara sentit en elle comme une vague de stress, elle fronça les sourcils, une
goutte de sueur dégoulina de son front chaud.
Ne voulant rester plus longtemps dans cet
endroit, l'aventurière fourra le livre dans son sac à dos, et s'empressa de
remonter. Mais avant, une chose familière lui fît tourner la tête et
rebrousser chemin. Elle s'approcha, il s'agissait d'un socle, ressemblant
étrangement à celui du temple marin... Ce socle, devant contenir dans son
passé un objet, était entouré d'une protection en verre, brisée. L'aurait-on
volé ? En tout cas la taille et forme du socle avait exactement les mêmes
que celle du temple. Mais Lara tourna les talons, n'y prêtant pas attention.
« Non ça ne peut pas être cela ! »
Une fois sorti, le billard reprit sa place
initiale. La jeune femme partit à l'étage du dessus que John était encore en
train d'inspecter au niveau de la salle de bain. Le premier étage
comportait, la chambre, un autre salon avec une bibliothèque, ainsi qu'une
salle de bain et une salle de cinéma. Lara fit un tour dans le salon,
c'était ici que l'on avait retrouvé le cadavre. Quel carnage, il y avait du
sang partout, séché et nettoyé en partie depuis le temps. Des objets
recouvraient le sol, on avait du aussi, se battre ici...
« Ah te voilà ! Je te cherche partout depuis tout à l'heure, regarde ce que
j'ai trouvé dans la chambre du vieux ! »
John venait de rejoindre Lara dans le couloir de l'escalier, il avait un
livre à la main qu'il tendit à son amie.
La jeune femme prit alors l'ouvrage et l'ouvrit, elle était de plus en plus
stressée, et tremblotait.
« T'es sûre que ça va ? T'es pales comme un linge ? »
« Euh... oui c'est juste que... j'ai le mal du pays ! »
« Toi tu as le mal du pays ?...tu me prends pour un demeuré ?! »
Elle lut quelques phrases au hasard.
« C'est sur la légende de la création ?! »
« Oui et c'est pas le seul, le vieux en possède toute une collection, tu
parles d'une coïncidence ! »
« Oui une de plus... » Murmura Lara
« Quoi ? Qu'est ce que tu as dis ? »
« Rien du tout... il faut en récupérer ! »
« Déjà fait, les plus complets sont dans la jeep, Paul m'a téléphoné, le
corps est à la base et on a identifié la dernière victime ! »
« Parfait on peut rentrer alors... ! »
« Et toi tu as trouvé quelque chose ? »
« Non nada... »
« J'ai lu un peu les bouquins et les premiers pouvoirs qui auraient été
utilisés sont ceux de créer les Océans, la Terre et les végétaux, ensuite
seraient venu les animaux et les hommes, ce sont les principaux...mais j'ai
pas finis de tout lire... il y a beaucoup de travail ! »
Lara commença à se diriger vers la sortie, et descendit l'escalier pour
retourner au rez-de-chaussée.
« Ecoutes ne mélange pas les rôles. Je m'occupe de la légende de la création
et toi de l'enquête. Tes pauvres neurones vont avoir trop de mal à gérer
toutes ces infos... »
« Toi tu me cacherais pas quelques chose ? Tu m'as l'air encore plus tendu
que t'habitude ?! »
« Ah mais non je te dis que je vais très bien. Je m'occupe de ce qui est
dans mes cordes c'est tout... »
Cette fois, le jeune homme verrouilla bien
la porte du château, par simple précaution.
« Où va-t-on ? » Demanda Lara
« On part pour Paris, Paul m'a donné plein de renseignements sur la victime.
Elle s'appelle Trisha Loveline, 26 ans. Elle étudiait les végétaux et
bossait en Amérique du Sud pour le moment, enfin bref, elle a une soeur.
Celle-ci habite à Paris, j'ai son adresse, elle aurait perdu son mari, celui
-ci se serait suicidé et elle a une fille, Caroline, 10 ans. On verra bien
ce qu'elle nous dira... »
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