Juillet-Août 1997
Made in Core Design
Par David Msika
Le personnage de Lara Croft est désormais une figure emblématique pour toute l'Angleterre. Évidemment, c'est dans la suite de Tomb Raider que se concentrent tous les efforts de Core. Toutefois, des équipes travaillent sur des projets d'envergure. Eidos et Core Design préparent déjà un autre titre sur console, Fighting Force, qui mérite également le détour.
La création d'une suite n'a pas été entamée sur la base d'un succès, puisque le développement de Tomb Raider 2 (photo : 1) a commencé moins d'un mois après la sortie du premier Tomb Raider. Core Design était sûr de son coup. En dépit de la formidable réponse des joueurs, Tomb Raider n'était pas parfait. Au nombre des défauts, on peut citer la monotonie de l'action, l'absence d'ennemis humains, la lassitude qui étreint le joueur au bout de la onzième mission, les énigmes simplistes, les placements de caméra peu heureux et la poitrine trop anguleuse (ndlr: enfin, c'est une critique personnelle). Tout a été repris, repensé et retravaillé sans concession pour les anciennes erreurs. L'équipe en charge du jeu est composée pour moitié d'anciens membres, accueillant de nouvelles recrues, dont un Français ! Le scénario est encore un peu vague mais il s'agit, en gros, d'une histoire qui oppose Lara à une secte étrange et sanguinaire. Au niveau du moteur de jeu, rien ou presque n'a bougé : il s'agit toujours d'un jeu d'action, vue en pied. La différence majeure réside dans les mouvements de caméra qui permettent d'embrasser maintenant une grande partie de l'environnement sans cacher, comme c'était le cas précédemment, Lara ou ses ennemis. Les outils de conception ont aussi changé. L'éditeur de niveaux et le logiciel d'animation de Tomb Raider ont été optimisés pour la nouvelle version. Il est maintenant possible, par exemple, d'intégrer plus de relief dans les niveaux et d'appliquer directement les textures dans l'éditeur. L'éditeur de niveaux se présente sous la forme d'un quadrillage sur le côté droit, qui permet de visualiser l'emplacement des éléments topographiques d'un niveau; et d'une banque de données de textures que le designer applique sur chaque partie du relief. En moyenne, il faut trois mois pour compléter un monde de Tomb Raider 2. Le programme d'affichage bénéficie également d'une nette amélioration qui permet d'avoir plus d'éléments à l'écran sans pour autant réduire la vitesse du jeu.
Un changement majeur : l'interactivité des décors
La variété est également l'un des nouveaux points forts du jeu. Tomb Raider 2 propose quatre environnements originaux, dont la plupart en extérieur : la muraille de Chine, Venise, un bateau échoué, le Tibet et un niveau que les concepteurs tiennent encore à tenir secret. Les niveaux de Tomb Raider 2 sont de taille sensiblement identique à ceux de la première version. L'un des changements majeurs en ce qui concerne le décor, c'est l'interactivité. Lara peut désormais altérer son environnement, en cassant une fenêtre par exemple. D'un point de vue esthétique, Tomb Raider 2 fourmille de détails et la richesse des couleurs (le jeu utilise une palette de 32 000 couleurs) renforce la qualité visuelle. Le souci du détail pousse les artistes et les designers à travailler d'après des documents sur, par exemple, les rues et l'architecture de Venise. D'ailleurs, la plupart des textures de ce niveau ont été scannées dans cette documentation. Tomb Raider 2 compte d'autres effets visuels avantageux, tel que la gestion des sources de lumières : la détonation d'une arme peut illuminer une pièce. La plupart des 50 personnages, environ, sont humains - il reste cependant quelques animaux - et proposent un challenge plus intéressant. Chaque niveau possède sa propre gamme d'ennemis et la qualité graphique les rend très crédibles; les ennemis sont composés en moyenne de 300 polygones. Tous les personnages bénéficient d'animations personnelles, réalisées en Key Frame donc, qui n'utilisent pas la Motion Capture. De même, le personnage de Lara a considérablement évolué. Sa queue de cheval ondule au rythme de ses mouvements, sa poitrine est beaucoup plus ronde et elle se trouve dotée de nouvelles capacités. En plus des mouvements qu'elle possédait. Lara peut maintenant grimper le long des parois, utiliser un ou plusieurs moyens de locomotion (les concepteurs sont restés assez vagues sur ce point), changer de costume, tirer sous l'eau grâce à un harpon, etc. Autre chose intéressante : le saut de Lara se déclenche maintenant instantanément. Auparavant, il fallait attendre qu'elle pose le pied devant elle pour qu'elle entame son extension, maintenant, dès que le bouton saut est pressé, Lara décolle sans attendre. La jouabilité gagne beaucoup avec ce genre d'amélioration.
Le concept d'aventure prend ici toute sa mesure
Pour rajouter au côté dramatique de l'action, la caméra adopte parfois une vue éloignée donnant au joueur une vision plus nette du niveau. Tomb Raider 2 est toujours axé sur l'action, mais le côté aventure connaît une nette amélioration. Les énigmes sont beaucoup plus subtiles que « j'actionne ou je regroupe trois rouages et cela m'ouvre un passage ». Maintenant, Lara récupère des indices au fur et à mesure qu'elle progresse dans un niveau pour pouvoir, à la fin, franchir les embûches qui se dressent devant elle. Dernière petite surprise : Tomb Raider 2 possède un côté magique, qui comprend l'intervention de plusieurs sorts, mais les concepteurs tiennent là encore à ne rien divulguer. Enfin, les bruitages ont été complètement refaits pour rendre beaucoup plus crédibles les coups de feu, le clapotis de l'eau, etc. Il faudra encore attendre décembre avant de pouvoir y jouer sur Saturn et PlayStation.
C'est aux outils
Pour réaliser les niveaux complexes de Tomb Raider 2, les concepteurs ont eu recours à un éditeur extrêmement puissant conçu depuis le premier épisode de la célèbre série. A partir d'une simple grille, il est maintenant possible en quelques semaines de réaliser un environnement plein de relief et texturé avec goût. Il est même possible, toujours grâce à cet outil, de se "balader" dans le niveau pour tester sa viabilité. Alors un grand bravo à nos concepteurs pour ce second épisode qui ne manquera pas de réjouir les nombreux fans de ce jeu.
Victime de la mode
Force est d'avouer que Lara Croft est devenue, en l'espace de quelques mois, une nouvelle idole de l'univers ludique, mais pas seulement. Par exemple, le groupe irlandais U2 a littéralement craqué pour ce sex-symbol virtuel et a passé commande auprès de Core Design d'un film en animation de synthèse qui fait figurer Lara aux côtés de Bono, le chanteur du groupe. Ce film sera diffusé sur écran géant lors de chaque concert de la tournée 97 du groupe. Un beau succès et la création d'un précédent dans l'univers du jeu vidéo.
Eidos Interactive
Comme la plupart des éditeurs, Eidos s'est rendu compte que la principale source de réussite repose essentiellement sur la qualité des titres proposés. La véritable manne de Eidos provient de l'Angleterre. Parmi les maisons de développement qui sont les plus à même de maintenir l'étiquette de qualité de la société, on peut citer Core Design ainsi que Data Design qui arrivent en tête du classement.
Midas moderne
Ce n'est que depuis l'année dernière que la société Eidos a commencé à faire parler d'elle. À la tête de Eidos, Ian Livingstone a connu un parcours hors du commun. Passionné de jeux de rôle depuis son plus jeune âge, il fonde en 1975 une société de vente par correspondance avec un ami de lycée, Steve Jackson, qui s'appelle Games Workshop et qui commercialisera plus tard le best-seller Warhammer. En 1977, la société a pignon et rencontre un succès inattendu : le jeu de rôle est alors considéré comme une pratique subversive et abrutissante. Comme premier exploit personnel, Ian Livingstone s'attribue un contrat de distribution exclusif d'une durée de trois ans avec TSR (l'auteur de Donjons et Dragon). En 1981, il développe un concept novateur, celui du livre dont vous êtes le héros. C'est une première dans le monde de l'aventure interactive. Le lecteur/joueur suit une aventure, comme dans un roman, en prenant les décisions qui lui paraissent judicieuses au moment opportun. Le premier titre de Ian Livingstone, Le Sorcier de la Montagne de feu, est alors édité chez Penguin, un éditeur très célèbre en Angleterre, et réédité cinq fois en l'espace de deux mois. Devant l'engouement général, Ian Livingstone réitère l'expérience et fait paraître, en 1984, Le Labyrinthe de la Mort (Deathtrap Dungeon, en version originale, qui rencontre un succès phénoménal).
En 1991, il revend Games Workshop pour se consacrer exclusivement à l'écriture et il chercher, surtout, un nouveau challenge. Il le trouvera deux ans plus tard, en 1993, en rachetant Domark et en devenant directeur général de la société. Ian Livingstone est persuadé que le jeu est un média porteur pour l'aventure interactive. Il traite alors avec une société spécialisée dans la compression et la décompression de données vidéo qui s'appelle Eidos. En 1995, Domark et Eidos fusionnent. En mars 1996, il fait l'acquisition de CenterGold (qui détient US Gold) et Core Design.
La genèse d'un nouveau groupe
Le nouveau groupe s'appelle Eidos. Ian Livingstone a vendu plus de quinze millions de livres "dont vous êtes le héros", s'occupe de l'une des sociétés les plus florissantes du marché et continue à disputer des parties de jeux de rôle dans un cercle privé d'amis, parmi lesquels on trouve Peter Molyneux, le président de Bullfrog. Aujourd'hui, il agrandit son empire en lui greffant un studio de traitement de l'image, Glassworks, qui a réalisé un clip vidéo pour les Spice Girls et pour George Michael; et une maison de disques, Naked Records (9Spice Girls, d'ailleurs). Eidos a actuellement trois titres développés en interne, Deathtrap Dungeon, Plague et All Star Soccer.
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